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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle

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Le Bouddha et ses enseignements (suite)

Vénérable Nârada

 

Le Bouddha et Râhula

 

 

 

Râhula a été l’unique fils du prince Siddhattha et de la princesse Yasodharâ. Il est né le jour où le prince Siddhattha a décidé de renoncer au monde. L’heureuse nouvelle de la naissance de l’enfant lui a été transmise alors qu’il se trouvait au parc en méditation. Contrairement à ce à quoi on s’attend habituellement et au lieu de se réjouir de la nouvelle, il s’est exclamé « Râhu jâto, bandhanam jâtam » : « Un Râhu est né, une entrave s’est formée ». En effet, le nouveau-né a été prénommé Râhula *1 par son grand-père le roi Suddhodana. Râhula a été élevé dans l’absence de son père, par sa mère et son grand-père. Le Bouddha a visité Kapilavatthu pour la première fois après son illumination alors que Râhula avait sept ans. Au septième jour de son arrivée, la princesse Yasodharâ a gaiment habillé Râhula et lui a dit : « considère, mon fils, cet ascète d’aspect doré ressemblant à Brahmâ entouré par vingt-milles ascètes ! Il est ton père et il possède de grands trésors.
 
Depuis son renoncement nous ne l’avons pas vu. Va vers lui et demande-lui ton héritage en lui disant : « mon père, je suis le prince. Après ma consécration, je veux être un monarque universel. J’ai besoin de richesses. Veuille me les procurer. C’est le fils qui possède ce qui appartient au père. »

 

*1
Ce qui veut dire « saisi » (la) par une entrave (râhu)

 

L’innocent Râhula est allé vers son père et lui a demandé l’héritage comme le lui a dit sa mère ; et il a dit affectueusement : « Ô Ascète, même ton ombre m’est plaisante. »
Après le repas, le Bouddha a quitté le palais mais Râhula l’a suivi en lui disant : « donne-moi mon héritage... » Personne n’a tenté de l’empêcher de crier. Et le Bouddha ne l’a pas dissuadé de le suivre. Quand il est arrivé au parc, le Bouddha a pensé : « il désire la fortune de son père, mais elle est éphémère comme le monde et elle est source de troubles. Je vais lui donner la septuple noble fortune que j’ai acquise au pied de l’arbre Bodhi et lui procurer un héritage transcendantal ». Il appela le Vénérable Sâriputta et lui demanda d’ordonner le petit Râhula moine. Râhula qui n’avait alors que sept ans fut admis dans l’ordre des moines.

 

Le roi Suddhodana fut profondément chagriné d’apprendre la nouvelle de l’ordination monastique de son petit-fils. Il alla vers le Bouddha et lui demanda humblement de renoncer à l’ordination de quiconque sans le consentement des parents, et il lui dit : « quand le Seigneur a rejeté le monde ce fut pour moi une grande peine. De même quand Nanda a renoncé et encore lorsque Râhula a fait de même. L’amour d’un père pour son fils coupe la peau, la chair, les tendons, l’os et la moelle. Accepte, Seigneur, la requête à savoir que les Nobles n’accordent pas l’ordination à un fils sans la permission de ses parents. »

 

Le Bouddha accepta la requête et en fit une des règles du Vinaya.

 

Il est inconcevable qu’un garçon de sept ans puisse véritablement mener une vie de sainteté.
Mais le Sâmanera (novice) Râhula, qui était exceptionnellement enclin à l’obéissance et à la discipline, était pressé de recevoir l’instruction de ses supérieurs. Il est dit qu’il se levait tôt le matin, empoignait du sable puis le lançait en disant : aujourd’hui je vais recevoir de mes instructeurs des conseils au nombre de ces grains de sable. »

 

L’un des premiers discours reçus par lui immédiatement après son ordination était l’Ambalatthika-râhulovâda Sutta dans lequel le Bouddha insiste sur l’importance de la véracité.

 

Un jour, le Bouddha a rendu visite au Vénérable Râhula, lequel, dès qu’il l’a aperçu, s’est dépêché vers lui de loin pour lui préparer un siège et de l’eau pour laver ses pieds. Le Bouddha s’est lavé les pieds et a laissé une petite quantité d’eau dans l’ustensile en disant : « vois-tu, Râhula, cette petite quantité d’eau dans l’ustensile ? » « Oui, Seigneur ».

 

De même, Râhula, il est insignifiant en fait l’état de Samana (moine) de ceux qui n’ont pas honte de proférer des mensonges délibérés. »
Puis, le Bouddha a jeté cette petite quantité d’eau et dit :

 

« Il est rejetable en fait l’état de Samana de ceux qui n’ont pas honte de proférer des mensonges délibérés. »
Le Bouddha a retourné l’ustensile et dit : « il est à l’envers, certes, l’état de Samana de ceux qui n’ont pas honte de proférer des mensonges délibérés. »

 

Finalement, le Bouddha a replacé l’ustensile droit et a dit « vide et creux est l’état de Samana de ceux qui n’ont pas honte de proférer des mensonges délibérés. »

 

« J’affirme que pour quiconque n’a pas honte de proférer des mensonges délibérés, il n’existe point de mal qu’il ne serait pas capable de commettre. Donc Râhula, il t’incombe de te préparer à ne jamais proférer un mensonge même par plaisanterie. » Insistant sur l’importance de la véracité en l’illustrant avec de simples exemples, le Bouddha lui a expliqué la valeur de la réflexion et du critère de la moralité de manière si simple et à la portée d’un enfant.

 

« Râhula, à quoi sert un miroir ? » lui a demandé le Bouddha.
Ainsi, Râhula, c’est après la réflexion que l’action corporelle doit avoir lieu, c’est après la réflexion que l’action verbale doit avoir lieu, c’est après la réflexion que l’action mentale doit avoir lieu. Quelque action que ce soit que tu désires accomplir avec le corps, tu dois réfléchir : « cette action que je désire maintenant accomplir avec le corps…me serait-elle nocive ; le serait-elle à autrui ? » En somme, elle est maladroite cette action corporelle, elle entraîne la souffrance et procure du chagrin.

 

« Si au moment de réfléchir, tu réalises : « maintenant cette action corporelle que je désire accomplir mènerait à ma souffrance ou à la souffrance d’autrui ou aussi bien à à la mienne qu’à autrui. » Donc, maladroite est cette action corporelle qui entraîne la souffrance et procure du chagrin. Une telle action corporelle, tu de devrais point l’accomplir. »

 

« Si, d’un autre côté, en pensant tu réalises : cette action corporelle que je désire accomplir n’entraîne pas de souffrance ni à moi ni à autrui, ni non plus à moi ainsi qu’à autrui. Donc elle est adroite cette action corporelle, elle procure plaisir et bonheur. Une telle action corporelle tu devrais l’accomplir. » Exhortant le Sâmanera Râhula à user de la réflexion pendant et après ses actions, le Bouddha a dit :

 

« Quand tu commets une action avec le corps, tu devrais y réfléchir : l’action que je suis en train de commettre mène-t-elle à du tort envers moi-même ou envers autrui ou encore à la fois envers moi-même et envers autrui ? » Si oui, elle est maladroite cette action corporelle, elle entraîne la souffrance et procure de la peine. »
Si, en réfléchissant, tu réalises : « cette action que je commets avec mon corps entraîne du tort à moi-même, à autrui ou à la fois à moi-même et à autrui, elle est donc maladroite cette action corporelle qui entraîne de la souffrance et procure de la peine. Une telle action tu dois l’abandonner. »

 

« Si, pendant que tu réfléchis, tu réalises : cette action que je suis en train de commettre avec le corps ne produit du tort ni à moi-même ni à autrui, ni à la fois à moi-même et à autrui. Cette action corporelle est adroite, elle génère plaisir et bonheur. Une telle action tu devrais l’accomplir incessamment. » Le Bouddha ajoute : « Si en réfléchissant tu réalises : cette action que j’accomplis est maladroite, une telle action doit être confessée, révélée et avouée au maître ou à l’élève ou au compagnon dans la vie sainte. Grâce à cette confession tu acquiers de la restriction quant à de tels actes à l’avenir. »

 

L’avertissement concernant les actions verbales et mentales adroites et maladroites est traité de la même façon. Ayant affirmé que la réflexion constante est essentielle pour la purification, le Bouddha a terminé son discours de la sorte : 

 

« Ainsi devrais-tu t’exercer par la conviction à savoir que c’est par la réflexion continuelle que nous purifierons nos actions corporelles ; par la réflexion continuelle nous purifierons nos actions verbales ; par la réflexion continuelle nous purifierons nos actions mentales. »
Dans le Samyutta Nikâya il y a un chapitre consacré à l’explication donnée par le Bouddha au Sâmanera Râhula sur le caractère transitoire de la nature.

 

Quand le Vénérable Râhula s’est engagé dans l’ordre très jeune, le Bouddha a saisi toutes les occasions pour le conseiller et le guider sur le droit chemin. Selon le Sutta Nipâta, le Bouddha l’avertissait constamment avec les stances suivantes : « Abandonne les cinq sortes de plaisirs sensuels si fascinants et attrayants. En allant de l’avant, muni de la foi, soit celui qui a mis fin à la souffrance. Sollicite un abri distant, isolé et calme, et que ta nourriture soit modérée. N’aie pas d’attachement aux robes (de moine), aux objets acquis et au logement. Ne reviens plus dans ce monde. Pratique la restriction vis-à-vis du code fondamental et des cinq sens. Développe l’attention quant au corps et emplis ton être d’impassibilité. Evite ce qui stimule la concupiscence et éveille le désir. Développe la concentration de ton mental sur ce qui est répugnant. Ne pense pas aux apparences extérieures des objets sensoriels. Renonce à toute fierté latente. Une fois celle-ci éradiquée vous vivrez dans la paix parfaite. »*2

 

Dans sa dix-huitième année (de prédication), le Bouddha a prononcé un discours profond au sujet du développement du mental à l’occasion d’un désir qui a surgi dans l’esprit de Râhula en raison de la belle apparence du Bouddha. Un jour, le Vénérable Râhula suivait le Bouddha qui sollicitait l’aumône. Sur le chemin, les deux semblaient tel un éléphant royal et de bonne augure accompagné d’un éléphanteau noble, un cygne royal avec son magnifique cygnet, un lion royal accompagné de son majestueux lionceau.

 

*2
Sutta Nipâta, Râhula Sutta

 

Les deux avaient une couleur dorée et ils étaient presque égaux en beauté ; les deux appartenaient à la caste des guerriers ; les deux ont renoncé au trône. Râhula qui a admiré le Maître s’est dit : « Moi aussi je suis beau comme mon parent le Bienheureux. Beau est l’aspect du Bouddha, le mien est égal en beauté. »

 

*3
Instantanément, le Bouddha a lu la mauvaise pensée de Râhula, s’est retourné vers celui-ci en lui disant :
« Quelle que soit la forme à regarder, elle n’est pas mienne (netam mama) ; elle n’est pas moi (n’eso’ham’asmi) ; elle n’est pas mon âme (na me so atta) »*1*2

 

Avec révérence, Râhula lui a demandé si c’est la forme seule qu’il convient de considérer ainsi. Le Bouddha lui a répondu que ce sont les cinq agrégats qu’il faut estimer comme tel.

 

Le Vénérable Râhula ayant ainsi été éduqué par le Bouddha lui-même, il a préféré ne pas entrer au village pour solliciter l’aumône. Il est retourné et s’est assis au pied d’un arbre, en tailleur, le corps droit appliqué avec attention. Le Vénérable Sâriputta a observé la posture suggestive du Sâmanera Râhula, lui a conseillé de se concentrer sur la respiration-expiration, ne sachant pas qu’il pratiquait un autre objet de méditation donné par le Bouddha. Le Vénérable Râhula a été perplexe entre deux objets de méditation différents, l’un donné par le Bouddha et l’autre par Sâriputta.

 

*1 Majjhima Nikâya N°62
*2 Anattalakkhana Sutta

 

Obéissant à son maître Sâriputta, il s’est concentré sur la « respiration-expiration », puis il partit vers le Bouddha afin de recevoir de lui l’instruction à ce sujet. Tel un médecin sage qui procure le remède adéquat ignorant les désirs du patient, le Bouddha lui a tout d’abord fourni une brève instruction sur la méditation, sur la forme et sur les agrégats, et il a brièvement énuméré certains sujets de méditation, chacun d’entre eux éliminant temporairement un mal spécifique, puis il lui a expliqué la méditation sur la respiration (Ânâpâna Sati).
Ayant suivi les instructions du Bouddha, Râhula a réussi ses méditations, et dans une courte période, il a écouté le Cûla Râhulovâda Sutta*1 et il a réalisé l’état d’Arahant.

 

Dans la quatorzième année de l’Illumination du Bouddha, le Sâmanera Râhula a reçu son ordination supérieure à un âge plus jeune que celui auquel le Bouddha et Sâriputta avaient reçu la leur. Le Vénérable Râhula s’était distingué par sa haute discipline. Les quatre versets suivants lui sont attribués dans le Theragâthâ :

 

« Etant doublement fortuné, on m’appelle le fortuné Râhula. » J’étais le fils du Bouddha à savoir du Voyant des Vérités.

 

*1 Majjhima Nikâya, N°147
Détruites sont toutes mes corruptions ; point de renaissance pour moi. Je suis un Arahant riche en dons, possédant la connaissance triple voyant l’immortalité. J’étais naguère tel un poisson prisonnier d’un filet, aveuglé par les désirs des sens, « parent » et captif de l’inconstance. A présent, j’ai consumé les désirs des sens, et rompu la chaîne de Mara. Ayant éradiqué le désir impérieux, je suis désormais serein et paisible.*2

 

*2 Le psaume des frères.

 

 

 

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