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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle

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#5 - Les principales différences entre les enseignements du Mahayana et du Theravada

Par Bhikkhu Hye Dhammavuddho

 
 
Pourquoi ces différences entre les doctrines Mahayana et Théravada ?

 

 

 

Pourquoi y-a-t-il des désaccords et des contradictions entre le Mahayana et le Théravada, et pour quelle raison la plupart des Sutras du Mahayana ne font pas partie du Théravada, alors qu'une version des Sutras du Théravada existe dans le Mahayana ?

 

Pour le comprendre, nous avons besoin de considérer deux prédictions du Bouddha. Dans les livres du Vinaya, nous découvrons qu'après avoir autorisé l'établissement d'ordres de nonnes, sur la sollicitation d'Ananda, le Bouddha a dit : « Ananda, si les femmes n'obtiennent pas le départ du foyer vers l'état de sans-maison en faveur du Dhamma et du Vinaya proclamés par le découvreur de la Vérité, la vie sainte, Ananda, durera longtemps, le vrai Dhamma sera propagé mille ans durant. Mais, puisque les femmes cheminent...dans le Dhamma et le Vinaya proclamés par le Découvreur de la Vérité, la vie sainte ne durera pas longtemps, le vrai Dhamma ne durera que cinq cents années.
 
Et, ces foyers où l'on trouve beaucoup de femmes et peu d'hommes, tombent facilement en proie aux voyous et attirent (ceux-ci), selon le Dhamma et le Vinaya, si les femmes obtiennent la sortie du foyer vers l'état de sans-domicile. Et, une telle vie sainte ne durera pas longtemps... ». Ce que cela signifie consiste en ce que l'enseignement originel du Bouddha ne sera pas pollué par de faux Sutras pendant cinq-cents années, après le départ du Bouddha de ce monde (vers 543 av. J.-C.), c'est-à-dire jusqu'à l'an 43 av. J.-C.. Après cette date, de faux Sutras feront leur apparition.

 

Dans l'Anguttara Nikaya, le Bouddha dit que lorsqu’apparaît de l'or contrefait, les gens sont incapables de le distinguer de l'or authentique, et ils rejettent les deux indistinctement. De la même façon, quand le Dhamma est contrefait, les personnes ne sont pas en mesure de le distinguer du vrai, et ils ont tendance à les rejeter tous les deux. Cela s'est produit en Inde après l'apparition du Dhamma contrefait, entraînant la disparition totale du vrai Dhamma, y compris sur le lieu de naissance du Bouddha.

 

Suivant une personne faisant autorité en matière de Bouddhisme et respectée à travers le monde, le professeur T.W. Rhys David de Grande-Bretagne, il existe des preuves fiables selon lesquelles le canon Pali du Théravada est le seul texte bouddhique remontant à environ 500 ans avant notre ère. Cela peut être conclu  à partir de divers faits attestant que le langage parlé par le Bouddha était très proche de la langue Pali ; les inscriptions sur les piliers d'Asoka (vers 250 avant notre ère) renvoient aux cinq Nikaya du canon Pali uniquement; les diverses sectes répandues jusqu'au 1er siècle conservèrent toutes une version ou une autre du canon Pali ; les livres appelés, Katha Vatthu et Milinda Panha, écrits respectivement vers l'an 250 av. J.-C. et au 1er siècle avant Jésus-Christ, renvoient à la seule autorité reconnue sur le Dhamma, à savoir le canon Pali. Même pour le concile bouddhiste tenu à Kanishka au 1er siècle, la seule source reconnue de l'enseignement du Bouddha était le canon Pali. Et les pays du Sri Lanka, de la Thaïlande et de la Birmanie sont les premiers pays bouddhistes de l'histoire en dehors d'Inde, reçurent les textes bouddhiques complets de la part du roi Asoka. Tous ces livres étaient identiques et écrits en Pali sans l'usage du Sanskrit.
Le Sanskrit, selon le Professeur Rhys David, a commencé à être employé au premier siècle de notre  ère, et c'est dès cette période-là qu'apparurent les textes bouddhiques en Sanskrit. Justifiant leur soudaine apparition, leurs auteurs ont prétendu que certains de ces textes provenaient du monde des Nagas ou de sphères paradisiaques de l'existence...

 

Les textes Mahayana sont presque tous écrits en Sanskrit, et nombre d'entre eux ont été recueillis par le grand pèlerin et moine Tsuan Chuang qui a voyagé de Chine en Inde au septième siècle.
Il semble que l'essor du Bouddhisme Mahayana a connu un processus très progressif. Il débute environ cent années après le Parinibbana du Bouddha, avec l'apparition de sectes dont la scission vis-à-vis du Bouddhisme originel est due à la répugnance de suivre le strict Vinaya qui prohibe la possession d'argent, etc., elle est aussi due au caractère ardu de la voie à suivre. Après leur rupture à l'égard des Aînés (Théras), elles ont commencé à modifier leur version des textes palis du fait d'une vision erronée. L'école des anciens dite Théravada, est supposée avoir gardé intact le canon Pali originel sans aucune modification.

 

Progressivement, des moines en nombre restreint et désireux d'éprouver la difficulté consistant à développer la Voie telle qu'enseignée par le Bouddha, s'attachaient plus à leur monastère plutôt qu'à mener la vie de moine errant. Avec le déclin du nombre d'Arahants dans le monde, beaucoup de moines se mirent à parler de la Voie sans pour autant la suivre. Et, avec la multiplication des points de vue erronés, le nombre des sectes se multiplia. Du temps du roi Asoka (vers 250 av. J.-C.), il existait dix-huit sectes ayant des idées divergentes quoique suivant le canon Pali. À partir de ce canon, elles formulaient des commentaires différant considérablement les uns des autres (entre sectes). La plupart des moines connaissaient mal le Dhamma, et peu d'entre eux pratiquaient le Vinaya au point que les laïcs ne le respectaient pas de manière générale. Le roi Asoka obligea un grand nombre de moines à quitter la vie monastique après les avoir testés, et il persuada les autres de réciter la bimensuelle Uposatha, c'est-à-dire l'énonciation des préceptes à respecter...En raison du grand nombre de concepts faux et divergents, le très Vénérable Mogalliputta Tissa Théro compila le Katha Vatthu afin de réfuter ces concepts qui se répandaient. Il cita le canon Pali originel comme faisant autorité dans l'enseignement du Bouddha afin que la polémique entre sectes prenne fin, car il n'existe pas d'autres textes (sanskrit ou autres qui délivrent l'enseignement du Bouddha). Parmi les nombreux points de vue erronés, les trois suivants sont les plus marquants :

 

            (1) La théorie de l'âme : une citation du Professeur Rhys David : « …la vieille hérésie de la théorie de l'âme a circulé par des voies subalternes pour s'introduire dans la doctrine selon laquelle le Bouddha avait affirmé, suivi par ses premiers disciples...que cette théorie était fausse. Tout ce que l'on raconte au sujet du « corps astral » et les différentes sortes « d'âmes », sept en tout, davantage ou moins, théorie qui est, ou plutôt était, préconisée en tant que Bouddhisme ésotérique, fait partie de la philosophie du Yoga en Inde, et elle est parfaitement accessible dans le monde entier... » Les « trois corps du Bouddha », « nature du Bouddha », etc., tout cela relève d'une forme ou d'une autre de l'Hindouisme.

 

            (2) La glorification exagérée du Bouddha : la croyance aussi en la supériorité de la personne de leur maître au-delà des lois normales qui gouvernent la vie humaine...à savoir que la mère qui l'a conçu était immaculée, vierge, etc. »

 

            (3)L'idéal du Bodhisattva : «  Nous trouvons les germes d'une croyance que nous rencontrerons ultérieurement et qu'elle est sans l'ombre d'un doute même plus en rupture dans sa tendance, que l'une et l'autre des deux premières que nous venons de mentionner, à savoir que le véritable idéal, qu'un Bouddhiste devrait suivre, n'était pas l'état d'Arahant, point central et sommet du Bouddhisme des premiers temps, mais l'état de Bodhisattva, la doctrine essentielle de ce qui est appelé avec satisfaction, par ses fidèles, le Mahayana ou Grand Véhicule. »
 
Les trois notions que nous avons mentionnées plus haut, sont liées ensemble, se soutiennent l'une l'autre, et, effectivement, se sont développées au sein d'un système diamétralement antagoniste à la doctrine de la libération prêchée par Gotama, dans cette vie, dans l'état d'Arahant par l'auto-culture et le contrôle de soi...Dès le moment où l'état d'Arahant a commencé à être sous-estimé en comparaison avec l'état de Bodhisattva, la totalité du système de développement du mental, et du contrôle de soi, a commencé à être négligé voire ignoré. »

 

Les croyances hérétiques de diverses sectes ne cessèrent de se multiplier. Au deuxième siècle avant Jésus-Christ, la secte des Lokuttaravadin a écrit le Mahavastu. « Dans le Mahavastu, qui est le nom de ce manuel, l'état d'Arahant est déjà fortuitement pris pour un idéal acquis, si ce n'est l'Idéal. Mais le refrain du livre est de considérer différents points de vue, les étapes qui mènent non pas à l'état d'Arahant, mais à l'état de Bodhisattva. » Lentement mais sûrement, le basculement à partir de l'idéal d'Arahant enseigné par le Bouddha, vers l'idéal de Bodhisattva, se produisit avec la multiplication de tels livres qui préconisent l'idéal de Bodhisattva. Après le 1er siècle, l'usage du Sanskrit, des textes bouddhiques en néo-sanskrit ont fait leur apparition.
 
De plus, pour citer encore le professeur Rhys David : « Dans le Sutra du Lotus...nous trouvons une étape de loin au-delà de celle atteinte par le Mahavastu des Lokuttaravadin. Dans ce Sutra du Lotus, nous trouvons que l'état d'Arahant est explicitement condamné, et que celui de Bodhisattva adopté comme étant le but vers lequel tout bon Bouddhiste doit cheminer. Et cette théorie a été attribuée si hardiment au Bouddha lui-même, alors qu'elle est subversive vis-à-vis de sa doctrine. Au cours des siècles, les convertis à cette forme de Bouddhisme, ceux qui étaient familiarisés avec les dieux et les déesses hindous, ont eu l'impression de réconcilier les deux doctrines, en simplement transformant les divinités hindoues en Bodhisattvas, et en les représentant comme étant des soutiens du Bouddha. L'un des principaux partisans de cette ligne de développement semble avoir été Asanga, un moine influent originaire de Peshawar dans le Punjab, au sixième siècle.
 
Il écrivit le premier livre relatant cette doctrine, et qui porte le nom de Yogacara Bhumi Shastra. Il y réconcilia, avec une grande dextérité, les systèmes opposés en plaçant  les dieux shivaïtes dans le Panthéon de cette nouvelle forme de Bouddhisme, et il y incorpora une grande partie de la doctrine tantrique d'une certaine forme d'animisme prédominant (théorie selon laquelle toutes les choses, dont les arbres, les pierres, le vent, etc., possèdent une âme ou une chose ayant la nature d'un soi). Il est intéressant de noter ici un célèbre épisode dans la tradition du Mahayana chinois : «  Quand le moine Tao Sheng énonce le Dhamma, même les rochers inclinent leur tête en signe d'approbation. »

 

Au cours du temps, des doctrines plus hérétiques encore se sont exprimées à travers de nouveaux Sutras qui apparaissaient sans cesse. De nombreuses doctrines du Mahayana s'opposent, en fait, aux enseignements originels du Bouddha, comme les concepts du Bouddha éternel, l'amour érotique tantrique, les mantras secrets, etc.. Ceux qui diffusèrent ces doctrines formulèrent une justification consistant en ce qu'il s'agit d'enseignements secrets réservés à un petit nombre de disciples.
 
Citons à ce sujet le Professeur Rhys David : « C'est seulement quand les livres du Mahayana, écrits de nombreux siècles postérieurement à Gotama, désirant attribuer au Bouddha des opinions différentes de celles promulguées par lui, que nous trouvons l'allégation qu'il existe dans des livres bouddhiques un enseignement ésotérique. C'était la seule manière, pour ceux qui ont écrit ces livres, de se présenter comme des fidèles de Gotama tout en avançant des théories nouvelles contraires à celles de Gotama, et dont la propagation les tenait à cœur. » En fait « le Bouddhisme originel était à l'opposé de toute forme d'ésotérisme. Gotama tenait, tout au long de sa carrière, à parler ouvertement à tous de tous ses points de vue sur la vie, ceux qu'ils souhaitaient transmettre. » Dans le Mahaparinibbana Sutta, le Bouddha déclare très clairement : « J'ai prêché la vérité sans faire la moindre distinction entre doctrines exotérique et ésotérique. Au regard de la Vérité, le Tathagata, Ananda, n'a laissé aucune chose dissimulée. »

 

Conclusion

 

Le Bouddhisme subit un état de pollution, et au point que le peuple éprouve tellement de mal à voir le véritable Dhamma, et plus encore à critiquer le faux Dhamma, du fait du grand attachement à ces enseignements par les adeptes. Cependant, en tant que disciples du Bouddha, nous sommes tenus de révéler le vrai Dhamma et de montrer le Dhamma altéré, même dans le cas où peu nombreux seraient ceux qui l'accepteront. Le Bouddha a déjà vu que peu de gens « ayant peu de poussière sur les yeux » dans le monde, acceptent le vrai Dhamma. Le Dhamma altéré stimule la majorité des êtres humains comme la manifestation de ce qui est beau et désirable, alors que le vrai Dhamma montre ce qui est mauvais et infecte dans le corps comme : urine, excréments, sang, pus...

 

Le message du Bouddha compatissant est d'une importance vitale pour nous dans le but de nous libérer du Samsara (le cycle de l'existence), alors que le message du mauvais Mara nous encourage à demeurer à la merci du Samsara. Le choix dépend de chacun de nous.
Références : (1) Professeur T.W. Rhys David, « The history and Literature of Buddhism »
                     (2) Pali Text Society, Angleterre : « The Pali Buddhist Texts ».

 

 

 

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