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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle

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#3 - Les principales différences entre les enseignements du Mahayana et du Theravada

Par Bhikkhu Hye Dhammavuddho

 

 

Rester dans le Samsara ou le quitter ?

 

Les doctrines Mahayana prêchent le devoir de devenir Bodhisattva par l'accession au plan de celui-ci, voire Bouddha (Amitabha Buddha), lui qui est resté longtemps dans le Samsara jusqu'à ce que tous les êtres en soient libérés. Le Théravada enseigne que l'on doit se libérer du Samsara le plus rapidement possible.

 

En outre, lorsque nous nous référons au Bouddha, nous apprenons qu'il a dit que nous sommes dans le Samsara depuis un temps sans commencement et qu'il nous incombe de le quitter au plus vite. Quant à lui-même, lorsqu'il a réalisé l'illumination, il s'est exclamé avec joie qu'il n'aura plus d'existence, et qu'un terme était mis à toute nouvelle renaissance. Dans l'Anguttara-nikâya, il dit : « Ô Moines, de même qu'on est dégoûté de l'odeur nauséabonde d'un tas de fumier, de même je serai dégoûté de devenir ne serait-ce qu'un instant. »

 

Est-il possible de demeurer longtemps jusqu'à ce que toutes les entités soient libérées, c'est-à-dire éternellement ? Les doctrines Mahayana parlent des Bodhisattvas Manjushri et Kuan Yin en tant que Bouddhas du passé, et d'Amitabha en tant que Bouddha d'une vie illimitée. De tels Bodhisattvas et Bouddhas illuminés, évoqués dans les Sutras Mahayana, sont supposés exister jusqu'à ce que toutes les entités soient libérées du Samsara. Mais c'est à l'opposé de l'explication du Bouddha à savoir que toute existence est impermanente (anicca) ; que tous les êtres doivent subir la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort, tant qu'un terme n'est pas mis à leur existence. Un être illuminé est libéré de l'existence, ce qui veut dire qu'il ne (peut) pas retourner vers quelque forme que ce soit, car toute existence porte les trois caractéristiques suivantes : impermanence, souffrance et non-soi. L'idée Mahayana selon laquelle « des Bodhisattvas et des Bouddhas sont dans la félicité et l'exclusion de toute souffrance, illuminés qu'ils sont, et dans la terre pure de Sukhavati, s'oppose également à la déclaration du Bouddha que toute existence entraîne la souffrance (dukkha). Cela est constaté clairement dans le cas de notre propre Bouddha Sakyamuni, qui était souvent en proie à des problèmes digestifs, à la soif et à d'autres indispositions corporelles.
 
Par ailleurs, l'idée qu'un être prend une renaissance dans le but d'aider les autres, et sans cesse, va à l'encontre de la troisième caractéristique de toute existence, car celle-ci est le non-soi (anatta) selon l'enseignement du Bouddha, alors qu'il s'agit là d'une entité, d'un soi, quoique incarné pour aider. Une fois, un disciple du Bouddha eut l'opinion selon laquelle c'est la même conscience qui voyage à travers des cycles de renaissances. Il a été réprimandé par le Bouddha pour avoir mal représenté son enseignement, et rappelé que tous les types de conscience surgissent en dépendant de conditions et non d'une individualité : la conscience de la vue ne surgit qu'en raison de l'existence de l’œil et de la vue, la conscience de l'ouïe en raison de liens entre l'oreille et le son...continuellement, il y a surgissement et disparition. En effet, la conception dans les doctrines Mahayana selon laquelle tous les êtres possèdent « une nature de Bouddha » n'est pas valide selon les enseignements du Théravada.

 

L'enseignement du Mahayana, à savoir que les Bodhisattvas et les Bouddhas peuvent exister ou non, selon leur choix de renaître dans n'importe quelle sphère d'existence signifierait que ces êtres peuvent outrepasser la loi du Kamma (de cause à effet). Cet enseignement est non conforme à l'explication bouddhique du phénomène de l'existence. Selon le Bouddha, celui qui atteint le premier degré de l'acquisition du fruit (Sotapanna) ne retournera à l'existence que sept fois tout au plus. Celui qui atteint le second degré (Sakadagami) n'y retournera qu'une fois supplémentaire et quiconque réalise le troisième degré de l'acquisition du fruit (Anagami) ne retournera plus jamais dans ce monde, mais renaîtra dans une sphère paradisiaque avant d'entrer en Parinibbana. Quiconque est libéré (Samma Sambuddha, Arahant, Pacceka Buddha) ne retournera plus sous une forme quelconque de l'existence. La croyance prônée par le Mahayana en les « trois corps » du Bouddha ressemble au concept chrétien de la trinité, et les deux seraient probablement d'origine hindoue. Cette croyance est absente dans le Théravada.

 

Se fier à un « autre pouvoir » ?

 

Les doctrines du Mahayana préconisent que l'on puisse se fier à un « autre pouvoir » que soi, alors que l'enseignement du Théravada consiste en ce que personne en dehors de lui-même ne peut sauver l'être humain. C'est pour cela que les adeptes du Mahayana prient le Bouddha Amitabha afin de renaître dans la « Terre Pure ». Ils s'adressent aussi au Bodhisattva Kuan Yin entre autres, en temps de souffrance, car, selon le Sutra du Lotus, il exauce les vœux immédiatement.

 

Une fois, un laïc a demandé au Bouddha s'il était omniscient et en tout temps. Le Bouddha lui a répondu : « Vaccha, ceux qui disent ceci : le moine Gotama est omniscient et voit tout ; il proclame  posséder la connaissance et la vision totales comme : que je marche, que je me mette debout ou m'endorme ou que je sois réveillé , ma connaissance et ma vision sont permanentes et demeurent   totales, ne disent pas ce que je dis et donnent une image incorrecte de moi » (Tevijjavacchagotta Sutta). Seul le Bouddha sait ce qu'il veut connaître quand il est en contemplation, selon Ananda, dans le Sandaka Sutta. En outre, le Bouddha dit qu'il est impossible pour quelque entité que ce soit de tout connaître en tout temps (en dehors de la contemplation). Donc, croire en une prière adressée à un Bodhisattva qui l'exauce immédiatement est une pure fiction. S'il existe une réponse à de telles prières, selon le Bouddha, c'est en fonction des mérites de celui qui prie et de ses bénédictions qui le rendent apte à obtenir ce qu'il souhaite. Une personne dépourvue de ces bénédictions ne mérite pas de réaliser ce à quoi elle aspire. De plus, nous savons que toute vision et tout son venant de « personnages saints » ne peut être qu'un signe (nimitta) de notre subconscient, ce qui est bien connu des méditants avancés.

 

D'après les enseignements du Théravada, seul un Bouddha à la fois peut être présent à un moment donné dans le monde. En effet si deux Bouddhas sont contemporains l'un de l'autre, qu'ils existent simultanément, les disciples de l'un et de l'autre vont tomber dans le piège de l'argumentation au sujet des paroles de leurs maîtres. C'est la raison pour laquelle selon le Théravada, le Bouddha Amitabha n'existe pas. En outre, la qualification de celui-ci comme possédant une vie d'une durée illimitée, une « Terre Pure » de béatitude, est en contradiction avec les trois caractéristiques de toute existence : impermanence (anicca), souffrance ou insatisfaction (dukkha) et non-soi (anatta).
Dans le Dhammapada, verset 276, le Bouddha dit : « Une lutte doit être engagée par vous-mêmes ; seul un Tathagata est maître... » Et, verset 160 : « En vérité, à l'exclusion de quiconque d'autre, on est son propre sauveur. Par le contrôle de soi, on parvient à être sauveur de soi. » Voilà un message bien clair.

 

Un ou bien trois véhicules ?

 

La doctrine Mahayana enseigne qu'il n'y a qu'une voie vers l'illumination, que tout être peut éventuellement devenir un illuminé parfait (samma-sam) Bouddha, alors que selon la doctrine du Théravada, il existe trois voies menant à l'illumination, celles du : Bouddha (parfait), celle de l'Arahant et celle du Pacceka Buddha. Le Bouddha est celui qui a ouvert le chemin d'une ère de Bouddha en retransmettant le Dhamma qui était absent depuis longtemps. Les Arahants sont ceux qui ont atteint l'illumination après avoir appris le Dhamma du Bouddha, c'est-à-dire pendant la durée de l'existence du Dhamma dans le monde. Les Pacceka Buddhas réalisent l'illumination par leurs propres efforts au moment où le Dhamma a totalement disparu du monde, et n'enseignent à personne, contrairement aux Bouddhas et aux Arahants.

 

On a, un jour, interrogé le Bouddha au sujet de la différence existant entre lui et les disciples Arahants. Il a dit être « celui qui découvre la voie », qui a « révélé la voie non manifestée » et que ses disciples vivent selon (cette) voie. Ceci dit, ses disciples suivent la même voie que le Bouddha. D'entre les noms divers donnés au Bouddha, il a le nom d'Arahant (bien que le Mahayana préfère remplacer le mot « Arahant » par « digne d'offrandes » qui est la traduction de ce mot), comme ses disciples. Mais les Arahants ont des degrés de perfection différents, alors que le Bouddha est le plus parfait d'entre eux tous. Le Bouddha définit le stade réalisé par ses disciples en ces termes : « la naissance a cessé, la vie sainte est vécue, ce qui devait être accompli l'est déjà ; il n'y a plus rien d'autre à venir ». Si les Arahants n'ont pas terminé le cycle de naissance-mort, comme le fait savoir le Mahayana (par exemple dans le Sutra du Lotus), cela veut dire que le Bouddha n'a libéré aucun être.

 

Et, comme tous les Bouddhas atteignent l'illumination par leurs propres efforts, il n'y a plus besoin de Bouddhas si tous les êtres deviennent finalement des Bouddhas. Cependant, selon les enseignements du Théravada, le Bouddha est un être extrêmement rare et de très rares êtres peuvent espérer devenir des Bouddhas. Mais, il n'est pas besoin que tous les êtres deviennent des Bouddhas, car un Bouddha en aide un grand nombre à atteindre la Voie, comme un pays a besoin d'une seule personne pour le diriger (nombreux sont ceux qui souhaitent le faire, mais un seul y parviendra).

 

Du fait que le Bouddha déclare que tous les êtres doivent devenir des Bouddhas, les Mahayanistes considèrent Devadatta comme un Bodhisattva. Mais pour le Théravada, Devadatta a réalisé la nature de ses graves offenses durant la dernière partie de sa vie quand il tomba malade pendant neuf mois. Il demanda à ses disciples de le transporter sur un brancard pour aller voir le Bouddha et demander à ce dernier de le pardonner. Quand ils approchèrent du lieu où le Bouddha se trouvait, les disciples de ce dernier informèrent leur maître de l'arrivée de Devadatta. Le Bouddha leur déclara que les offenses commises par Devadatta étaient trop graves pour que celui-ci le rencontre ou rencontre un autre Bouddha. Quand ils le transportèrent hors du monastère de Jetavana, il éprouva une forte soif et il demanda à ses disciples de l'eau potable. Ils posèrent le brancard par terre et allèrent chercher de l'eau.
 
Alors Devadatta s'assit et posa le pied sur le sol. Le sol se fendit et l'avala. Le Bouddha informa ses disciples que Devadatta devait renaître dans l'enfer Avici. Cet enfer s'étend sur un millier de miles, et le corps de Devadatta s'est trouvé à une hauteur d'un millier de miles. Sa tête est entrée dans un crâne de fer jusqu'aux oreilles ; ses pieds se sont enfoncés dans un sol de fer jusqu'aux genoux. Trois poteaux de fer de l'épaisseur d'un tronc de palmier et chacun d'entre eux lui a traversé le corps de trois côtés différents. Immobilisé, il a subi une torture interrompue. Après cent mille âges de Kalpas, il sera un Pacceka Buddha du nom de Athissara. Il est intéressant de noter que les adeptes du Mahayana déclarent que Devadatta vit à l'aise tout en se trouvant en enfer, car il est un Bodhisattva.
 
 
 
 
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