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 #2 - Les principales différences entre les enseignements du Mahayana et du Theravada

Par Bhikkhu Hye Dhammavuddho

 

Le Végétarisme

 

C'est une autre différence majeure entre les enseignements du Mahayana et ceux du Théravada. Le Mahayana préconise fermement le régime végétarien, mais pas le Théravada, le considérant comme non nécessaire. Les adeptes du Mahayana disent que l'on contribue à des meurtres si l'on mange de la viande, un de leurs Sutras concernant la loi karmique de cause à effet, déclare que si quelqu'un vomit du sang, c'est parce qu'il mange de la viande.

 

Cependant, le Bouddha a permis la consommation de la viande si celle-ci est « pure », d'après trois critères : 1) Celui qui en mange ne doit pas avoir tué l'animal (pour un moine, l'animal ne doit pas avoir été intentionnellement tué pour lui), 2) Ne pas être témoin de l'abattage, 3) Ne pas avoir entendu les cris de l'animal abattu. En outre, le Bouddha lui-même ainsi que ses moines n'étaient pas végétariens ainsi que l'on remarque dans les Suttas, en dépit de nombreuses attaques dirigées contre eux par des sectes végétariennes et en raison de la permission accordée aux moines malades de prendre une soupe à la viande, et des huiles à base de produits animaux.

 

Pourquoi le Bouddha, l'être le plus compatissant, et ses disciples (nombreux parmi eux étaient  des Brahmanes végétariens depuis leur enfance) n'ont pas pratiqué le régime végétarien ? Tout d'abord, le mot bhikkhu qualifiant le moine bouddhiste, signifie mendiant (du verbe bhikk qui signifie « mendier »). La mendicité est la pierre angulaire de la vie de bhikkhu, car elle contribue grandement à la suppression de « l'ego », ce dernier étant la source de notre existence douloureuse. Le bhikkhu n'a en principe pas le droit de demander quelque chose et encore moins la nourriture qu'il préfère. Donc un mendiant reçoit normalement des restes de nourriture. Et, ce n'est pas pratique pour un mendiant de limiter son alimentation à ce qui est végétarien. Bien qu'un bhikkhu mange de la viande, il n'encourage pas pour autant l'abattage, car il n'a pas le droit d'accepter de manger de la viande s'il apprend que l'animal a été abattu spécialement pour le nourrir.

 

Le Bouddha n'a en aucune manière encouragé le régime végétarien, bien qu'il décourageât l'abattage d'animaux. Il a dit que manger la viande « pure » comme indiqué plus haut dans le respect des trois conditions, n'est pas blâmable, car il n'y a pas d'intention ni de volonté de tuer des bêtes. C'est  conforme à l'histoire véridique suivante relatée dans le commentaire du Dhammapada : un chasseur demandait à son épouse, chaque matin, de lui donner les armes nécessaires avant d'aller à la chasse. Des moines se rendaient dans sa maison pour solliciter l'aumône, et l'ayant entendu demander cela à son épouse, il questionnèrent le Bouddha sur une éventuelle culpabilité de cette femme d'encouragement au meurtre. Le Bouddha répondit que celle-ci a agi en tant qu'épouse obéissante, et qu'elle ne porte en elle-même aucune intention ni incitation au meurtre. Par conséquent, elle n'est pas blâmable.

 

Certains végétariens pensent que nous encourageons un tant soit peu l'abattage d'animaux quand nous mangeons de la viande. Mais il convient de réaliser qu'il est pratiquement impossible d'être à l'écart de toute action d'ôter la vie à un être quand on vit dans le monde matériel. La science moderne affirme que même les plantes possèdent une vie et éprouvent une sorte de peur et de panique quand on arrache d'autres plantes à côté d'elles. Pour être exempt de toute responsabilité d'ôter la vie des plantes, il faut imiter les membres de la secte des Jaïnas en Inde, lesquels à notre connaissance, non seulement sont végétariens, mais s'abstiennent de légumes frais ainsi que de produits à base de lait, et ne se nourrissent que d'herbes sèches ; ils se couvrent le nez et la bouche de peur que des insectes volants y s'introduisent et meurent en conséquence. 

 

Dans ces termes de « la survie du plus adapté », on nuit à d'autres et leur fait simplement du tort en existant. Un agriculteur bêche le terrain pour faire pousser des légumes, tuant vers et insectes, il en tue aussi en aspergeant des insecticides sur les plantes quand elles ont poussé. L'encourageons-nous encore à tuer davantage en mangeant des légumes ? Quand nous bêchons notre jardin, nous ne pouvons pas non plus éviter de tuer vers et insectes... Et, selon le Bouddha, herbes, plantes et arbres sont des lieux de résidences de fées et de fantômes. Il a dit que les esprits Gandhabba résident dans les écorces, moelles, racines, feuilles et fleurs...Quand nous en coupons, non seulement nous tuons la vie de la plante, mais aussi les fées et esprits qui s'y trouvent, et nous détruisons leurs demeures. Et, lorsque nous cueillons les fruits des arbres, ne privons-nous pas oiseaux, écureuils, singes...de leur nourriture ? Et, en marchant sur le sol notamment sur l'herbe, nous tuons fourmis, insectes, vers...Par ailleurs, en travaillant pour gagner notre vie, nous empêchons d'autres personnes d'obtenir un poste dont elles peuvent avoir besoin, ou nous engageons, inévitablement, compétition avec d'autres sur le plan des affaires commerciales. L'existence est comparable aux arbres de la forêt. Le plus fort d'entre eux est celui qui monte le plus haut dans le ciel, profite de la lumière du soleil et déploie largement ses branches et ses feuilles, et, non intentionnellement, fait ombrage à des arbres moins grands dont certains mourront par manque de lumière du soleil. Ainsi en est-il des entités vivantes qui luttent pour survivre : la survie du plus adapté.

 

La nourriture est une nécessité pour notre survie. Dans le courant de notre existence, notre plus importante tâche consiste à lutter pour nous libérer du Samsara, de sorte que nous puissions aider les autres même pendant notre lutte (pour inspirer les autres), ou après avoir atteint la voie. Le Bouddha a prononcé une parabole ou une allégorie au sujet d'un couple qui, avec un enfant, ont tenté de traverser un désert. À mi-chemin, leurs provisions en nourriture et eau se sont épuisées. Leur enfant a succombé en dépit de leurs efforts et luttes. Ils se sont nourris de la chair de l'enfant, et ils  ont tenté de traverser le désert. Ils ont mangé la chair à contrecœur et juste pour survivre dans leur traversée. Quant à nous, notre nourriture, qu'elle soit viande ou légume, ne doit être prise que pour traverser le désert du Samsara jusqu'au moment où nous n'en aurons plus besoin.

 

Grâce à sa sagesse, le Bouddha a vu que le grand effort doit se situer au seul plan du mental, ce dernier contenant le désert de la concupiscence, de la haine et de l'illusion, que nous devrions traverser. Nous avons besoin de nous concentrer sur le Noble Chemin Octuple, qui nous mène au-delà de ce désert du Samsara. Il existe des personnes qui limitent, hélas, la Voie à la seule observance du régime végétarien, et même qui comptent les années passées à suivre ce régime avec une fierté qui est loin d'être bouddhique.

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle

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