Centre Bouddhique International

le Bourget - France

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#11 -Qu’est-ce que le Kamma et la Renaissance expliquent-ils ?

 

 

 

1- Ils expliquent le problème de la souffrance pour lequel nous sommes nous-mêmes responsables.
2- Ils expliquent l’inégalité du genre humain.
3 -Ils expliquent l’apparition des génies et des enfants prodiges.
4- Ils expliquent pourquoi des jumeaux identiques qui sont physiquement similaires, jouissant de privilèges égaux, expriment des caractéristiques totalement différentes, que ce soit mentalement, moralement, au niveau du tempérament et intellectuellement.
5- Ils expliquent les dissimilitudes parmi des enfants de la même famille, bien que l’hérédité eût pu se concrétiser par des similitudes.
6- Ils expliquent les capacités innées et extraordinaires de certains hommes.
7- Ils expliquent les différences morales et intellectuelles entre les parents et les enfants.
8- Ils expliquent comment les enfants développent spontanément des passions telles que la cupidité, la colère et la jalousie.
9- Ils expliquent les attirances et répulsions instinctives dès le premier regard.
10- Ils expliquent comment en nous-mêmes se trouvent « un dépotoir de mal et une maison de trésors de bien. »
11- Ils expliquent l’explosion inattendue de la passion chez une personne hautement civilisée, et la soudaine transformation d’un criminel en un saint.
12- Ils expliquent comment des libertins sont nés de parents saints et comment des enfants saints sont nés de parents libertins.
13- Ils expliquent comment, dans un sens, nous sommes le fruit de ce que nous étions, nous serons le fruit de ce que nous sommes, et, d’un autre point de vue, nous ne sommes pas absolument tels que nous étions, et nous ne serons pas absolument ce que nous sommes.
14- Ils expliquent les causes de morts prématurées et les changements inattendus dans le domaine de la richesse.
15- Par-dessus tout ils expliquent l’apparition dans le monde de maîtres spirituels parfaits et omniscients, tels que les Bouddhas qui possèdent des caractéristiques physiques, mentales et intellectuelles incomparables.  

 

Notes :
*1 Majjhima Nikâya, I, 36, Mahâsaccaka Sutta, p.248.
*2 Mais nous ne devrions pas en conclure pour autant que le Bouddha est à l’origine de l’idée de renaissance, qui avait été évidemment propagée à son époque, bien que peut-être pas encore acceptée par tous. On la trouve dans les premières Upanishad aussi.
*3 Dhammapada, v.153
*4 Majjhima Nikâya, I, 26, p.161
*5 Majjhima Nikâya, II, 81, p.45
*6 Ibid, III, 143, p.258.
*7 I, p.111
*8 Dîgha Nikâya, II, 16, p.91
*9 Cp. Mr. J.G. Jennings, “The Vedantic Buddhism of the Buddha” (“Le Bouddhisme védantique du Bouddha)
*10 Le cas de Shanti Devi d’Inde est un exemple frappant. Référez-vous à « The Bosat, vol.xiii, N°2, p.27
*11 William W. Atkinson et E.D. Walter, « Reincarnation and the Law of Kamma” (“Réincarnation et la loi du kamma »)
*12 Référez-vous à « Many mansions » (« De nombreuses demeures ») et « The world within » (« Le monde intérieur ») par Gina Cerminara.
*13 Référez-vous à « Buddhist legends » (« Légendes bouddhiques »), III, p.108.
*14 Ceylon observer (l’observateur de Ceylan), le 21 Novembre 1948.


#12 - Le Bouddha à propos du soit-disant Dieu créateur

 

« Inconcevable est le commencement, Ô disciples, de cette errance. Le point originel de cette course, de cette errance, des êtres, masqué par l’ignorance, lié par le désir impérieux, n’est point révélé. »

 

-Samyutta Nikâya.

 

L’équivalent Pâli pour le Dieu créateur des autres religions est soit Issara (Sanskrit-Ishvara) ou bien Brahmâ.
A plusieurs occasions le Bouddha nia l’existence d’une âme permanente (attâ). Concernant le fait qu’il nia l’existence d’un Dieu créateur, il n’existe que quelques références à ce sujet. Le Bouddha n’accepta jamais l’existence d’un Créateur que ce soit en tant que force ou en tant qu’être.
Malgré le fait que le Bouddha n’éleva point de divinité surnaturelle au-dessus de l’homme, quelques érudits affirment que le Bouddha était caractéristiquement silencieux sur cette question importante et controversée. Les citations suivantes indiqueront clairement le point de vue du Bouddha au sujet du concept d’un Dieu créateur.

 

Dans le Anguttara Nikâya le Bouddha parle de trois vues divergentes qui prévalaient à son époque. Une d’entre elles était : « Quels que soient la sensation neutre, le bonheur ou la douleur que cette personne expérimente, tout cela est dû à la création d’une déité suprême. »*1
D’après cette vue nous sommes ce que le Créateur souhaitait que nous soyons. Nos destinées demeurent entièrement entre ses mains. Notre destinée est prédestinée par lui. Le libre arbitre supposé et accordé à sa création est évidemment faux.

 

Critiquant cette vue fataliste dans le Devadaha Sutta, le Bouddha dit : « Ainsi donc, en raison de la création d’une déité suprême les hommes deviendront des meurtriers, des voleurs, des êtres incontinents, des menteurs, des calomniateurs, des bavards proférant des injures, avides, malicieux et aux vues perverses. Ainsi pour ceux qui se confinent à la création d’un Dieu comme la raison essentielle de tout ce qui vit, il n’existe ni désir, ni effort, ni nécessité de produire cet acte ou de s’abstenir de cet acte.*2

 

Dans le Devadaha Sutta*3 le Bouddha, se référant à la mortification des ascètes nus, remarque : « Si, Ô Bhikkhus, les êtres expérimentent la souffrance et le bonheur en tant que fruit de la création de Dieu, alors certainement ces ascètes nus doivent avoir été créés par un Dieu méchant, car ils souffrent d’une douleur terrible.

 

Le Kevaddha Sutta narre une conversation pleine d’humour qui eut lieu entre un Bhikkhu curieux et le supposé créateur.

 

Un Bhikkhu, désireux de connaître la fin ultime des éléments, approcha Mahâ Brahmâ et le questionna ainsi :
« Où, mon ami, les quatre grands éléments-la terre, l’eau, le feu et l’air-cessent-ils, laissant aucune trace derrière eux ? » A ceci, le grand Brahmâ répondit : « Moi-même, frère, je suis Brahmâ, le grand Brahmâ, l’Être suprême, le Sans égal, le Maître, le Victorieux, le Régent, le  Père de tous les êtres qui ont vécu et qui vivront. »

 

Pour la seconde fois le Bhikkhu répéta sa question, et le grand Brahmâ apporta la même réponse dogmatique.
Quand le Bhikkhu le questionna pour la troisième fois, le grand Brahmâ prit le Bhikkhu par le bras, l’amena sur le côté, et fit la remarque franche suivante :
« Ô frère, ces dieux qui constituent ma suite croient en la chose suivante : « Brahmâ voit toutes choses, connaît toutes choses, a pénétré toutes choses. Je ne sais pas, Ô frère, où ces quatre grands éléments-terre, eau, feu et air-cessent, ne laissant rien derrière eux. Par conséquent ce fut un méfait et un crime, Ô frère, que tu quittas le Bienheureux, et te rendit ailleurs en quête d’une réponse à cette question. Reviens sur tes pas, Ô frère, et t’étant rapproché du Bienheureux, pose lui cette question, et aie confiance en ce que le Bienheureux t’expliquera. »

 

Revenant à l’origine de Mahâ Brahmâ, le soi-disant Dieu créateur, le Bouddha commente dans le Pâtika Sutta :*4
« A propos de ceci, Ô disciples, cet être qui naquit le premier (dans une nouvelle évolution du monde) pense de la manière suivante : « Je suis Brahmâ, le grand Brahmâ, le Vainqueur, celui qui voit toutes choses, le Broyeur, le Seigneur, le Faiseur, le Créateur, le Maître, l’Adjudicateur, le Maître de lui-même, le Père de tout ce qui est et de tout ce qui sera. Par moi tous ces êtres sont créés. Et pourquoi en est-il ainsi ? A une époque de jadis, je pensai : Puissent d’autres êtres atteindre aussi cet état de l’être ! Telle fut l’aspiration de mon esprit, et donc ! Ces êtres vinrent à l’existence. »

 

« Et ces êtres eux-mêmes, qui apparurent après lui, ils pensèrent aussi ainsi : « Cet être digne doit être Brahmâ, le grand Brahmâ, le Vainqueur, celui qui voit toutes choses, le Broyeur, le Seigneur, le Faiseur, le Créateur, le Maître, l’Adjudicateur, le Maître de moi-même, le Père de tout ce qui est et de tout ce qui sera. »

 

Sur ce, Ô disciples, cet être qui apparut le premier eut une vie plus longue, de plus belle apparence, et plus puissant, mais ceux qui apparurent après lui eurent une vie plus courte, ils furent moins beaux et moins puissants. Et il se peut très bien, Ô disciples, que quelque autre être, décédant de cet état, se manifesterait dans cette vie terrestre et abandonnerait la vie de maître de maison pour la vie d’errance sans domicile. Et ayant ainsi tout quitté, en raison de son ardeur, son effort, sa dévotion, sa sincérité, son intellection parfaite, il réalise un tel état de concentration intense qu’avec un esprit très aiguisé il se souvient de ses demeures antérieures, mais non de ce qui se produisit antérieurement. Ainsi il dit : « Ce Brahmâ digne de vénération, le Vainqueur, celui qui voit toutes choses, le Broyeur, le Seigneur, le Faiseur, le Créateur, le Maître, l’Adjudicateur, le Maître de moi-même, le Père de tout ce qui est et de tout ce qui sera, celui par qui nous avons été créés, il est permanent, constant, éternel, non-changeant, et il demeurera ainsi pour toujours et à jamais. Mais nous qui avons été créés par ce Brahmâ, nous sommes venus ici en tant qu’êtres impermanents, transitoires, instables, ayant une vie courte, destinés à trépasser. »

 

« Ainsi fut scellé le commencement de toutes choses, que, vous Messieurs, vous déclarez comme étant votre doctrine traditionnelle, selon laquelle ce commencement a été provoqué par un Seigneur suprême, par Brahmâ. »

 

Dans le Bhûridatta Jâtaka*5 (N°543), le Bodhisatta s’interroge au sujet de la justice divine supposée du créateur comme suit :-
« Celui qui a des yeux peut contempler la vision écœurante,
Pourquoi Brahmâ ne rend-il pas les créatures justes ?
Si son pouvoir étendu ne se confine à aucune limite,
Pourquoi sa main accorde-t-elle si rarement des bénédictions ?
Pourquoi est-ce que toutes ses créatures sont condamnées à souffrir ?
Pourquoi ne leur accorde-t-il pas le bonheur ?
Pourquoi la fraude, les mensonges et l’ignorance prévalent-ils ?
Pourquoi la fausseté triomphe-t-elle, pourquoi la vérité et la justice échouent-elles ?
Je considère que votre Brahmâ est injuste,
Pour avoir créé un monde dans lequel on ne peut prendre refuge. »
Réfutant la théorie selon laquelle toutes choses sont la création d’un être suprême, le Bodhisatta déclare dans le Mâhabodhi Jâtaka (N°528)*6 :
« S’il existe quelque Seigneur tout Puissant qui accorde
A chaque créature la félicité ou le malheur, les bonnes ou mauvaises actions ;
Ce Seigneur est souillé par le péché. L’homme ne fait qu’accomplir sa volonté. »

 

Notes :
*1 Anguttara Nikâya, I, page 174. Les paroles de ceux dont l’esprit s’accordent à l’unisson, I, p.158.
*2 Majjhima Nikâya, II, 101, p.222.
*3 Dîgha Nikâya, I, 11, p.221
*4 Dîgha Nikâya, III, 24, p.29; Dialogues of the Buddha (Dialogues du Bouddha) III, pp. 26, 27.
*5 Jâtaka Stories (Histoires de Jâtaka), VI, p.110.
*6 Ibid, V, p.122
 

#13 -Quelle est l’origine de la vie ?

 

« Inconcevable est le commencement, Ô disciples, de cette errance. Le point originel de cette course, de cette errance, des êtres, masqué dans l’ignorance, lié par le désir impérieux, n’est point révélé. »

 

-Samyutta Nikâya.

 

La renaissance, que les Bouddhistes ne considèrent pas seulement comme une simple théorie mais comme un fait vérifiable grâce à des preuves, forme un principe fondamental du Bouddhisme, bien que son but, le Nibbâna, soit réalisable dans cette vie même. L’idéal du Bodhisatta et la doctrine correlative de la liberté de réaliser la perfection complète sont basés sur cette doctrine de la renaissance. 
Des traces scripturaires démontrent que cette croyance dans la renaissance, conçue comme la transmigration ou la réincarnation, fut acceptée par des philosophes tels que Pythagore et Platon, des poètes comme Shelley, Tennyson et Wordsworth, et de nombreuses personnes ordinaires en Orient aussi bien qu’en Occident.

 

La doctrine bouddhique de la renaissance devrait être différenciée de la théorie de la transmigration ou de la réincarnation des autres systèmes, car le Bouddhisme nie l’existence d’une âme permanente qui transmigre, créée par Dieu, ou émanant du Paramâtma (Âme ultime ou essence divine).
C’est le kamma qui conditionne les renaissances. Le kamma passé conditionne la naissance présente ; et le kamma présent, se combinant avec le kamma passé, conditionne le futur.

 

Le présent est la progéniture du passé, et il devient, à son tour, le parent du futur.
La réalité des besoins présents n’a pas besoin de preuves car elle est évidente en elle-même. Celle du passé est basée sur la mémoire et les rapports, et celle du futur sur la prévoyance et sur l’inférence.
Si nous postulons une vie passée, présente ou future, alors nous devons faire face au problème-« Quelle est l’origine ultime de la vie ? »Une école, en cherchant à résoudre le problème, postule l’existence d’une cause première, que ce soit une force cosmique ou un être tout-puissant. Une autre école nie l’existence d’une cause première car dans l’expérience commune, la cause devient toujours l’effet et l’effet devient la cause. Dans un cycle de causes et d’effets une cause première est inconcevable. D’après la première, la vie a eu un commencement, d’après la deuxième, elle est sans commencement. D’après l’opinion de certains la conception d’une cause première est aussi ridicule qu’affirmer qu’un triangle est rond.
 
L’on pourrait arguer que la vie doit avoir un commencement dans un passé presque sans fin et que ce commencement ou la cause première est le créateur.

 

Dans ce cas il n’existe point de raison pourquoi la même question ne soit pas posée à propos de ce créateur dont on postule l’existence.
Concernant cette supposée cause première les hommes ont souscrit à des vues d’une grande diversité. En interprétant la cause première, Paramâtma, Brahmâ, Ishvara, Jehovah, Dieu, le Tout-puissant, Allah, l’Être Suprême, le Père céleste, le Créateur, la Loi du ciel, la force motrice, la cause sans cause, l’Essence divine, le Hasard, la Prakriti (nature), Pradhâna, sont des termes significatifs employés par certains maîtres religieux et philosophes.

 

L’Hindouisme attribue l’origine de la vie à un mystique Paramâtmâ duquel émane chaque Âtman, ou Âme qui transmigre d’une existence à l’autre avant d’être finalement réabsorbée dans le Paramâtmâ. L’on devrait se poser la question s’il existe oui ou non pour ces Âtman réabsorbés la possibilité d’une future transmigration.

 

Le Christianisme, en admettant la possibilité d’une origine ultime, relie toutes choses au décret d’un Dieu Tout-Puissant.
« Quiconque », comme Schopenhauer le dit, « se considère comme étant sorti du néant doit aussi penser qu’il deviendra aussi la néant, car le fait qu’une éternité se soit déroulée avant qu’il ne vienne à l’existence et qu’une seconde éternité commencera, par laquelle il ne cessera jamais d’être, une telle idée est monstrueuse. ».

 

« De plus, si la naissance est le commencement absolu, alors la mort doit être la fin absolue ; et la supposition que l’homme est créé à partir de rien, conduit nécessairement à la supposition que la mort est la fin absolue. »

 

« D’après les principes théologiques, » argue Spencer Lewis, « l’homme est créé arbitrairement et contre sa volonté, et au moment de la création il est soit béni soit damné, noble ou dépravé, depuis le premier stade dans le processus de sa création physique jusqu’au moment de son dernier souffle, sans qu’il soit tenu compte de ses désirs individuels, ses espoirs, ses ambitions, ses luttes ou prières dévotes. Tel est le fatalisme théologique.

 

« La doctrine selon laquelle tous les hommes sont pécheurs et sont assujettis au péché d’Adam est un défi lancé à la justice omnipotente, la miséricorde et l’amour. »
Huxley dit : « Si nous devons supposer que quelqu'un a à dessein mis ce merveilleux univers en branle, il est parfaitement clair pour moi qu’il n’est plus entièrement bienveillant et juste, dans le sens intelligible de ces deux mots, mais plutôt malveillant et injuste. »
D’après Einstein : « Si cet être (Dieu) est omnipotent, alors tout évènement, incluant toute action humaine, toute pensée humaine, et tous sentiments et aspirations humains sont aussi son œuvre ; comment est-il possible de penser rendre les hommes responsables de leurs actions et de leurs pensées face à un tel Être Tout-Puissant ?
« En attribuant des punitions et des récompenses, il se jugerait lui-même jusqu’à un certain point. Comment tout cela peut-il être en harmonie avec la bonté et la droiture qu’on lui attribue ? »
D’après Charles Bradlaugh : « L’existence du mal est une pierre d’achoppement terrible pour le théiste. La douleur, la misère, les crimes, la pauvreté confrontent celui qui prône la bonté éternelle, et ils le défient avec puissance et le laissent sans réponse quand il déclare que la divinité est toute bonté, toute sagesse et toute-puissante. »

 

Commentant la souffrance humaine et Dieu, le Professeur J.B.S. Haldane écrit : « Ou bien la souffrance est nécessaire pour perfectionner le caractère humain, ou bien Dieu n’est pas Tout-Puissant. La première théorie est réfutée par le fait que certaines personnes qui ont très peu souffert mais ont été chanceuses grâce à leur lignée ancestrale et leur éducation ont de très bons caractères. L’objection à la seconde est que c’est seulement en lien avec l’univers en tant que totalité qu’il existe un fossé intellectuel qui doit être rempli en postulant l’existence d’une divinité. Et un créateur pourrait vraisemblablement créer tout ce qu’il voudrait. »

 

En « désespoir », un poème composé dans sa vieillesse, Lord Tennyson attaque courageusement Dieu, qui, tel qu’en témoigne Isaïe, 45,7, dit, « Je fais la paix et crée le mal ».
« Quoi ! Je devrais faire appel à cet Amour Infini qui nous a si bien servis ?
La cruauté infinie plutôt qui créa un Enfer éternel,
Nous a créés, nous a prévus en tant que tels, nous a condamnés, et elle fait ce qu’elle veut par elle-même ;
Il vaut mieux que notre mère brutale soit morte, elle qui ne nous a jamais entendus gémir. »
Des écrivains dogmatiques des temps anciens déclarèrent avec autorité que Dieu créa l’homme à son image. Avec l’essor de la civilisation la conception de Dieu chez les hommes devint de plus en plus raffinée. Il existe à présent une tendance à substituer à ce Dieu personnel un Dieu impersonnel.

 

Voltaire déclare que Dieu est la création la plus noble de l’homme. Il est toutefois impossible de concevoir un tel être omnipotent et omniprésent, un épitomé de toutes les choses qui sont bonnes- qu’elles soient internes ou externes à cet univers.
La science moderne cherche à aborder le problème avec ses connaissances systématiques limitées. D’après le point de vue scientifique, nous sommes les produits directs des cellules de sperme et d’ovule données par nos parents. Mais la science ne fournit aucune explication satisfaisante au sujet du développement de l’esprit, qui est infiniment plus important que la machinerie du corps matériel de l’homme. Les scientifiques, en affirmant « Omne vivum ex vivo » (Toute vie d’une vie), maintiennent que l’esprit et la vie ont surgi du sans-vie.

 

En fait du point de vie scientifique nous sommes nés des parents de façon absolue. Ainsi nos vies sont nécessairement précédées par celles de nos parents et ainsi de suite. Par cette voie la vie est précédée de la vie jusqu’à ce que l’on revienne au premier protoplasme ou colloïde. Concernant l’origine de ce premier protoplasme ou colloïde, toutefois, les scientifiques admettent leur ignorance.
Quelle est l’attitude du Bouddhisme au sujet de l’origine de la vie ?

 

Au début nous devrions déclarer que le Bouddha n’essaye pas de résoudre tous les problèmes éthiques et philosophiques qui intriguent le genre humain. Il ne traite pas non plus de suppositions et de théories qui ne tendent ni à l’édification ni à l’éclaircissement. Il ne demande pas non plus une foi aveugle de la part de ses adeptes concernant une cause première. Il est principalement concerné par un problème pratique et spécifique- celui de la souffrance et de sa cessation ; toutes les autres questions sont complètement ignorées.
Une fois un Bhikshu du nom de Mâlunkyaputta, n’étant pas satisfait de mener la vie sainte et de parvenir à sa propre délivrance par degrés, approcha le Bouddha et demanda impatiemment une solution immédiate à quelques problèmes spéculatifs en menaçant de rendre sa robe s’il n’obtenait pas de réponse satisfaisante.

 

« Seigneur », dit-il, « Ces théories n’ont pas été élucidées, elles ont été mises de côté et rejetées par le Bienheureux-si le monde est éternel ou non éternel, fini ou infini. Si le Bienheureux élucidera ces questions pour moi, alors je mènerai la vie sainte sous ses ordres. S’il ne le fait pas, alors j’abandonnerai les préceptes et je retournerai à la vie laïque.
« Si le Bienheureux sait que le monde est éternel, que le Bienheureux élucide pour moi cette question que le monde est éternel ; Si le Bienheureux sait que le monde est non-éternel, que le Bienheureux élucide pour moi cette question que le monde est non-éternel-dans ce cas, certainement, pour celui qui ne sait pas n’en a pas l’introspection intuitive; la seule chose juste à faire consiste à dire : je ne sais pas ; je n’en ai pas l’introspection. »

 

Calmement le Bouddha questionna le Bhikshu errant pour savoir si son adoption de la vie sainte était de quelque manière que ce soit conditionnée à la solution de tels problèmes.
« Non Seigneur, » répondit le Bhikshu.
Le Bouddha alors l’admonesta pour qu’il ne perde pas son temps et son énergie dans des spéculations dépourvues de sens nuisibles à son progrès moral, et il dit :
« Qui que ce soit, Mâlunkyaputta, qui dirait, « Je ne mènerai point la vie sainte à moins que le Bienheureux n’élucide ces questions pour moi »-Cette personne mourrait avant que ces questions ne soient élucidées par l’Eveillé.
« C’est comme si une personne était percée par une flèche fortement imprégnée de poison, et que ses amis et proches devaient dépêcher un chirurgien, et alors il dirait, « Je ne souhaite pas que cette flèche soit extraite de mon corps avant de recueillir des renseignements au sujet de la personne qui m’a blessé, la nature de la flèche avec laquelle j’ai été percé, etc. » Cette personne mourrait avant d’obtenir tous ces renseignements.

 

Exactement de la même manière quiconque dirait : « Je ne mènerai pas la vie sainte à moins que le Bienheureux n’élucide pour moi les questions de savoir si le monde est éternel ou non éternel, si le monde est fini ou infini… » Cette personne mourrait avant que ces questions ne soient élucidées par l’Eveillé.
« Si l’on s’en tient à la croyance que le monde est éternel, y aurait-il l’observance de la vie sainte ? Dans un tel cas-Non ! Si l’on s’en tient à la croyance que le monde est non-éternel, y aurait-il l’observance de la vie sainte ? Dans un tel cas-Non plus! Mais, que l’on adopte la croyance que le monde est éternel ou qu’il est non-éternel, il y a la naissance, il y a la vieillesse, il y a la mort, choses dont j’ai fait connaître l’extinction possible dans cette vie.
Mâlunkyaputta, je n’ai pas révélé si le monde était éternel ou non éternel, si le monde était fini ou infini. Pourquoi n’ai-je pas révélé ces choses-là ? Parce qu’elles ne sont pas profitables, elles ne renvoient pas au fondement de la sainteté, ne conduisent pas à l’aversion, à l’absence de passions, à la cessation, à la tranquillité, à la sagesse intuitive, à l’illumination ou à Nibbâna. Par conséquent je n’ai pas révélé de telles choses. »

 

*1
D’après le Bouddhisme, nous naissons de matrices liées à l’action. Les parents ne font que nous fournir une couche de matière. Par conséquent l’être précède l’être. Au moment de la conception, c’est le kamma qui conditionne la conscience initiale qui vitalise le fœtus. C’est cette énergie karmique invisible, générée par la naissance précédente, qui produit des phénomènes mentaux et les phénomènes de la vie au sein de phénomènes physiques déjà existants, afin de parachever le trio qui constitue l’homme.
Traitant de la conception des êtres, le Bouddha déclare :
« Quand on trouve une combinaison des trois, alors là un germe de vie est planté. Si la mère et le père s’unissent, mais ce n’est pas la période fertile de la mère, et « l’être qui est supposé naitre » (gandhabha) n’est pas présent, alors aucun germe de vie n’est planté. Si la mère et le père s’unissent, et c’est pendant la période de fertilité de la mère, et « l’être qui est supposé naitre » (gandhabha) est présent, alors par la conjonction de ces trois, un germe de vie est planté.

 

*2
Ici gandhabha (=gantabba) ne signifie pas « une classe de deva supposés présider au processus de la conception »

 

*3
, mais cela se réfère à un être approprié prêt à naitre dans ce ventre maternel particulier. Ce terme est utilisé seulement dans ce contexte particulier, et il ne doit pas être confondu avec une âme permanente.

 

Pour qu’un être naisse ici, un être doit mourir ailleurs. La naissance d’un être, qui signifie strictement l’apparition des agrégats, ou les phénomènes psycho-physiques dans cette vie présente, correspond à la mort d’un être dans une vie passée ; de la même manière que, dans des termes conventionnels, le soleil levant en un lieu signifie le coucher du soleil en un autre lieu. Cette déclaration énigmatique pourrait être mieux comprise en imaginant la vie comme une vague et non comme une ligne droite. La naissance et la mort sont seulement deux phases du même processus. La naissance précède la mort, et la mort, pour sa part, précède la naissance. Cette succession constante de naissances et de morts en lien avec chaque flux de vie individuelle constitue ce qui est techniquement connu sous le nom de Samsara-errance récurrente.
Quelle est l’origine ultime de la vie ?

 

Le Bouddha déclare positivement : « Sans commencement connaissable est ce Samsara. Le moment originel des êtres qui, obstrués par l’ignorance et entravés par le désir impérieux, errent et vont ça et là, ne peut être perçu. »

 

*4
Le Samsara, littéralement, signifie errance récurrente. Le Atthasâlinî définie le Samsara ainsi : « Khandhânam patipâti dhâtuâyatanânam ca abbhocchinnam vattamânâ samsâro’ti pavuccati. ». Le Samsara est la succession ininterrompue des agrégats, des éléments, et des bases sensorielles.
Ce courant de vie coule ad infinitum, aussi longtemps qu’il est nourri par les eaux boueuses de l’ignorance et du désir impérieux. Quand ces deux facteurs sont complètement éradiqués, alors le courant de vie cesse de couler ; la renaissance prend fin, comme dans le cas de Bouddhas et d’Arahants. Un premier commencement de ce courant de vie ne peut être déterminé, car l’on ne peut percevoir un stade quand cette force de vie n’était pas pleine d’ignorance et de désirs impérieux.
Nous devrions comprendre que le Bouddha s’est référé ici simplement au commencement de la force de vie des êtres vivants. Nous laissons aux scientifiques le soin de spéculer sur l’origine et l’évolution de l’univers.

 

Notes :
*1 Majjhima Nikâya, I, 63, Cûlamâlunkya Sutta, p.425.
*2 Ibid, I, 38, Mahâtanhâsamkhaya Sutta, p.256. Bien qu’une mèche et de l’huile soient présents, un feu extérieur doit être introduit pour produire une flamme.
*3 Référez-vous à F.L. Woodward, « Some sayings of the Buddha » (Quelques paroles du Bouddha), p.29.
*4 Samyutta Nikâya, II, p.178 ; Les paroles de ceux dont l’esprit s’accordent à l’unisson (Kindred Sayings), II, p.118.

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle

N°3