Centre Bouddhique International

le Bourget - France

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#24 - L’établissement du triple joyau dans la culture européenne

Un point de vue Theravadin

 

 

 

Sur le fond, la tradition bouddhique Theravadin, même si elle ne prône point la division sociale des sociétés asiatiques par un système de castes, est une tradition plutôt contenue en elle-même qui n’est pas enclin au prosélytisme. Evidemment, si des Occidentaux souhaitent prendre refuge dans le triple joyau du Bouddha, du Dhamma et du Sangha et suivre les enseignements du Bouddhisme originel, ils sont les bienvenus!!! Mais, le fait de prendre refuge dans le triple joyau n’équivaut point à une conversion et même si après avoir accepté le refuge d’un aspirant au Dhamma un Bhikkhu donne un nom Pali au nouvel adepte, cette pratique n’équivaut point à un baptème.

 

Aussi, qu’est-ce que l’on entend par conversion??? C’est un terme à connotation plutôt Judéo-chrétienne ou islamique. Permettez-moi de vous donner un exemple. Les religions abrahamiques se polarisent sur une profession de foi dans des dogmes révélés. Si, par exemple, un Juif commence à penser qu’Israël à manqué quelque chose de crucial en refusant de reconnaître Jésus-Christ comme le messie, il rejettera peut-être le dogme du Dieu unique d’Israël qui ne peut être deux ou trois mais seulement un et qui ne peut s’incarner en chair et en os. Donc il adhérera au dogme révélé de la Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit et deviendra chrétien, pensant qu’Israël a été disgracié et condamné du fait d’avoir refusé de reconnaître le Seigneur Jésus-Christ comme le sauveur de l’humanité entière. Par conséquent, pour ce nouveau converti, le concept d’unicité divine tel que nous le trouvons dans le Judaïsme est imparfait si on le compare à celui de la Sainte Trinité chrétienne. Si un Musulman rejette la Shahada (la profession de foi musulmane) de l’Islam qui dit “Je porte témoigne qu’il n’existe pas d’autre Dieu qu’Allah et que Mahomet est son Prophète” et commence à proclamer que la révélation ultime de Dieu n’est finalisée que par la mort du Seigneur Jésus sur la croix, il pourrait commettre l’apostasie de la religion de l’Islam et devenir un Chrétien mais c’est une chose dangereuse à faire dans la plupart des pays musulmans. Aussi, si un Chrétien ne croit plus en la Sainte Trinité et pense que le Messie n’est pas encore né dans ce monde et que le concept de l’unicité divine tel qu’il est prôné dans le Judaïsme, est plus correct que le dogme de la Sainte Trinité, il pourrait, après quelques années et de nombreuses épreuves, défis et études, devenir un membre de la communauté d’Israël. Il croira certainement qu’Israël est toujours le peuple élu par Dieu.

 

Par conséquent, et c’est le point crucial sur lequel je souhaite mettre l’accent, à chaque fois que les nouveaux fidèles de telles religions rejettent un dogme révélé précédent, ils en adoptent un nouveau. C’est ce que nous pourrions appeler un processus de conversion au sein des trois religions abrahamiques.

 

Dans le Bouddhisme Theravada, il n’y a pas de Dieu personnel créateur et il n’existe pas de dogme révélé non plus. Le Bouddha simplement invita les écoutants de son Dhamma, son enseignement sur la réalité, à voir par eux-mêmes, vérifier expérimentalement et tester la validité de ses enseignements et il ne fut jamais question de simplement croire. Le Bouddhisme Theravada est une sotériologie positive dont la finalité est l’éradication de toutes les souillures (kilesa) et souffrances du mental. Ce n’est pas une religion théiste et il ne postule même pas la théorie de l’existence d’une nature de Bouddha primordiale et éternelle voilée par l’illusion (moha) et le karma ou la théorie de l’existence d’un Bouddha céleste. Dans le Mahâparinibbâna Sutta, Bantei Ânanda avait demandé au Bouddha qui serait le maître de la communauté bouddhiste des moines, nonnes et écoutants laïques (la Sangha des Bhikkhus, Bhikkhunis, Sâmaneras, Sâmanerîs et Cavakkas) après qu’il aurait trépassé dans le Mahâparinibbâna. Le Bouddha répondit que c’était son Dhamma, son enseignement sur la réalité.

 

D’après le Bouddhisme Theravada, la meilleure façon d’honorer le Bouddha consiste à pratiquer son enseignement. Il existe certainement, au sein du monde bouddhiste Theravadin, une grande confiance dans le fait que le Bouddha est celui qui devint un Sammasambuddha (un être pleinement éveillé) en découvrant le Catur Ariyâ Saccam (les Quatre Nobles Vérités) et le Noble Sentier Octuple (Ariyâ Atthangika Magga) et que ceci est appelé ekayâna, le sentier unique vers l’éveil.

 

Ainsi, les enseignements du Bouddhisme Theravada sont d’attrait universel. En fait, partout sur terre les humains pourraient pratiquer la méditation vipassanâ et contempler le tilakkhana (les trois caractéristiques) d’anicca (l’impermanence), anatta (le non-soi) et dukkha (la souffrance) propre à tous les phénomènes mentaux et matériels. Et il n’existe point de barrières de caste, de crédo, de culture ou de race pour cela.

 

Toutefois, tout en disant que se convertir au Theravada, pour les raisons mentionnées ci-dessus, n’a pas de sens, il existe aussi des raisons pour lesquelles, dans les sociétés européennes, cette école du Bouddhisme ancien ne fait point de prosélytisme. En premier lieu, il a conservé en quelque sorte son caractère indien et asiatique en ne modifiant guère le Patimokkha (le Code de Discipline Monastique) des origines prévalant à l’époque du Bouddha, et en ne faisant pas beaucoup de compromis avec les transformations des mentalités, des sociétés et de l’histoire. Quelques Bouddhistes Mahâyâna, ayant une opinion  correcte à ce sujet jusqu’à un certain point, affirment que les Theravadin sont très conservateurs et qu’ils s’attachent à une forme de rigidité ancestrale.

 

En second lieu, la plupart des Theravadin natifs demeurant dans des sociétés européennes, qui sont de descendance Cambodgienne, Thaïe; Laotienne, Birmane, Sri Lankaise et Bangladaise, souhaitent simplement réunifier des liens avec leur tradition ancestrale tout en résidant dans des pays occidentaux. Ils ne se tourneront pas facilement vers des Européens pour leur prêcher le Dhamma. Certainement, quelques moines Theravada, qui sont des bons instructeurs dans les méditations Samatha (le calme mental) ou Vipassanâ (l’introspection), seront ravis de dispenser des enseignements aux Européens qui viennent dans leur pagode. Ceci dit ils leur enseigneront bhâvanâ (la culture mentale ou la méditation) sans même leur proposer de prendre le triple refuge dans le triple joyau (Tisarana Tiratana Vandanam).
Un exemple illustre de ceci est la guidance remarquable conférée par le Vénérable Henepola Gunaratana non seulement aux USA, mais aussi pendant des cours de méditation donnés en Europe.

 

Toutefois, habituellement, le Bouddhisme Theravada a un nombre considérablement plus grand d’adeptes de descendance européenne dans les mondes germanique ou anglosaxon que dans des pays à héritage culturel latin. C’est lié au fait que le Theravada n’est point enclin à une forme de mysticisme coloré car c’est un enseignement plutôt sec, aride et pragmatique. Les Allemands ou les Britanniques, par exemple, sont plus attirés par quelque chose comme ça de toute évidence.

 

La tradition Thaïe de la forêt prévaut principalement au Royaume-Uni, par exemple, au sein du célèbre monastère Amaravati qui se trouve dans la banlieue de Londres.

 

Ceci dit, en raison de la foi chrétienne déclinante dans de nombreux pays d’Europe occidentale, le déclin de la foi dans les approches dogmatiques et théistes du Christianisme et de l’Eglise Catholique, par exemple, concernant le monde spirituel, les Bouddhisme Theravada et Mahâyâna tous deux pourraient y fleurir dans les générations prochaines. Le Bouddhisme Mahâyâna, toutefois, semble plus adapté à l’évolution des mentalités occidentales que le Bouddhisme Theravada.

 

Le point le plus essentiel de compatibilité entre le Bouddhisme et la culture occidentale contemporaine, en général, réside dans le fait que les théories d’anatta (le non-soi) ou de Shûnyatâ (la vacuité universelle) ou même la coproduction conditionnée (paticca samuppada) ne contredisent pas du tout les découvertes les plus récentes des scientifiques dans le domaine des sciences physiques relativistes et quantiques.
Comme ce n’est pas vraiment enraciné dans la Foi non plus, mais plutôt dans l’expérience et la pure observation des phénomènes mentaux et matériels tels qu’ils sont réellement, ces enseignements sont en harmonie parfaite avec les approches d’observation objective de l’univers adoptées par les scientifiques.

 

Le Bouddhisme Theravâda arriva en France à l’origine grâce à de nouveaux immigrants ressortissants des anciennes colonies françaises d’Asie du Sud Est, venus du Cambodge, du Laos et de quelques Vietnamiens aussi.
De nos jours, il existe environ 60 temples bouddhistes Theravadin en France et environ 386372 adeptes de cette école, d’origine Sri Lankaise, Laotienne, Cambodgienne, Thaïe, Birmane ou Vietnamienne, résident dans ce pays. Quelques français seulement sont adeptes de cette école doctrinale.

 

Tandis que la méthode de méditation vipassanâ du défunt moine birman Mahasi Sayadaw est principalement enseignée en France par une nonne d’origine cambodgienne appelée Sayalay Daw Sobhana et qu’elle rencontre plus de succès au sein de quelques pagodes birmanes implantées au Royaume-Uni, il existe un centre de méditation Vipassana Goenka bâti en France et portant le nom de Dhammamahi.
Toutefois, l’approche Goenka est fortement orientée vers le monde laïque et elle est dénuée du caractère habituellement dévotionnel du Theravada, car de nombreux Bouddhistes Theravadins récitent habituellement deux fois par jour dans la langue Pali des parittas (formules de protection), si possible des Suttas (Karaniya Metta Sutta, Maha Mangala Sutta ou le Dhammacakkapavattana Sutta) et aussi des prières de triple refuge dans le triple joyau (Tisarana Tiratana Vandana).

 

Pour conclure ce discours qui, je l’espère, vous a plu à tous, j’aimerais vous rappeler ce qu’avait affirmé le très honorable défunt Bhikkhu Thaï Buddhadasa: “Quand les Farangs (les Occidentaux) viennent à Wat Swan Mokh, ils veulent étudier et pratiquer le Dhamma, quand les Thaïs viennent ici, ils veulent accumuler des mérites.”
De façon ultime, les Farangs (les Occidentaux) furent ceux qui décidèrent de se rendre à Wat Swan Mokh (situé au Sud de la Thaïlande) et le Bouddhisme Theravada n’a pas pour idéal de se propager parmi toutes les civilisations du monde.
Chers amis dans le Dharma, nous prônons le respect mutuels entre nous tous, que nous soyons Theravadins, Mahayanistes ou Vajrayanistes, et de diriger ce respect vers le reste de l’humanité. Aujourd’hui, je souhaitais seulement vous rappeler quelle est l’attitude commune aux Theravadins.

 

Vénérable  Parawahera Chandaratana

 

#25 -  faveurs de bouddha envers les êtres humains

 

Parmi tous les grands fondateurs des religions dans le monde seul Bouddha déclare être autre qu’un être humain. Bien qu’il fût considéré comme un homme, il était un être extraordinaire ayant accompli, dans d’innombrables naissances, la perfection supérieure par l’accomplissement des dasa parami ou les dix perfections :
dâna, charité ;
sîla, moralité ;
nekkhamma, renonciation ;
pañña, sagesse ;
viriya, persévérance ;
khanti, patience ;
sacca, droiture ;
adhitthana, détermination ;
metta, l’amour bienveillant ;
upekkha, équanimité.
Il était un acchariya manussa (le plus merveilleux être humain) dans ce monde. Il ne se considérait pas comme un dieu ni ne demandait à ses disciples de le considérer comme tel. Mais on peut à juste titre le considérer comme devatideva, maître des dieux, ou roi de ceux-ci.
La majorité des fondateurs de religions s’estimaient comme étant des incarnations de dieux ou inspirés par Dieu. Bouddha n’a reçu aucune inspiration ou pouvoir extérieur de dieux, attribuant toutes ses réalisations et accomplissements aux efforts humains, et à l’intelligence humaine. Après avoir accompli le dasa paramita, Bouddha déclara que seul un homme, et non pas même Dieu ou des dieux, peuvent réaliser le but ultime de la bouddhéité.

 

Chaque être humain possède au-dedans de lui la potentialité d’être un Bouddha s’il veut ainsi le devenir, et s’efforce dans ce sens. Selon Bouddha, la position de l’homme est suprême. L’homme est son propre maître, et il n’y a pas d’être ou pouvoir supérieur qui jugera sa destinée. Il a averti ses disciples d’être un « refuge par eux-mêmes », et de ne jamais chercher refuge ou aide de quelqu’un d’autre. Il enseigna, encouragea et stimula toute personne à développer son être et à réaliser sa propre émancipation, car l’homme possède la capacité de se libérer de tous liens par son effort personnel, son intelligence et sa confiance en soi.
Bouddha n’était pas seulement un maître religieux, mais aussi réformateur social, car il a condamné et éradiqué nombre de maux sociaux qui sévissaient à son époque. Là, je vais mettre en relief certaines de ses contributions en faveur de l’humanité.

 

LE SYSTÈME DES CASTES

 

A l’époque de Bouddha, au 6ème siècle avant Jésus Christ, le système des castes était de rigueur en Inde. Bouddha l’a contesté avec vigueur du fait qu’il entrave dangereusement le progrès de l’humanité.
Les Brahmanes : C’était la classe des prêtres, et l’on croyait qu’ils détenaient la clé du paradis ; qu’ils naissent de la bouche de Maha Brahma créateur, dit-on, du monde ;
Khattiyas : la classe des gouverneurs. Ils appartiennent aux familles royales. L’on pensait qu’ils naissent du nombril de Maha Brahma ;
Vaishyas : C’était les hommes d’affaires, qui naissent dit-on du genoux de Maha Brahma ;
Sudras : C’était la caste des esclaves et servants des autres castes. Ils étaient privés de toute liberté. On croyait qu’ils naissent des pieds de Maha Brahma.
Bouddha dit en référence à ce qui précède :
« Par naissance, personne n’est hors-caste. Par naissance, personne n’est Brahmane.
C’est par les actions que l’on est hors-caste. C’est par les actions que l’on est Brahmane ». Dans le bouddhisme, caste ou couleur n’empêche quiconque de s’intégrer à la religion, ou d’adhérer au sangha. Balayeurs, barbiers et hors-caste joignirent le sangha (l’ordre des moines) du temps de Bouddha, aussi bien que Brahmanes et princes. Tous étaient traités avec les même privilèges et à pied d’égalité.

 

LIBERTÉ DE PENSER

 

Certains ont l’habitude de prétendre être libres penseurs, donc sans religion. Mais si quelqu’un est « libre penseur » il doit être Bouddhiste ; car Bouddha encouragea la liberté de penser, cas unique dans l’histoire de toutes les religions. Cette liberté est nécessaire car, selon Bouddha, l’émancipation de l’homme dépend de sa propre réalisation de la vérité, et non de la grâce accordée par un dieu ou une puissance extérieure, en récompense d’une conduite loyale et bonne. Le Bienheureux n’a jamais dit à ses disciples : « priez et croyez ». Il disait : venez voir, venez examiner. Ne soyez en rien d’une foi aveugle.

 

Bouddha condamne la foi aveugle à laquelle il substitue saddhâ : la confiance basée sur la connaissance et le discernement. Bien qu’un Bouddhiste cherche refuge dans Bouddha ce dernier étant son maître de morale, il ne se livre pas ni ne sacrifie sa liberté de penser. Un Bouddhiste ne sacrifie pas sa liberté de penser, et exerce sa libre volonté même à l’échelle de devenir Bouddha. Qui que ce soit qui désire atteindre nibbâna- l’émancipation, ne doit compter que sur sa propre compréhension non influencée par des dogmes ou une foi aveugle.
Si vous lisez ou vous vous référez au Kalama Sutta, vous comprendrez à quel point Bouddha accordait à ses disciples la liberté de la pensée.

 

Bouddha dit :

 

–« Ne croyez pas une chose (simplement) parce que vous l’avez entendue ; ne croyez pas en la tradition que rapportent vos livres de religion ; ne croyez pas à la légère en l’autorité de votre maître et de vos aînés ; mais après observation et analyse, lorsque vous trouvez la chose en question conforme à la raison, et menant au bien et à l’avantage de l’individu et de l’ensemble, acceptez-la et vivez en harmonie avec. » Le progrès spirituel n’est possible que lorsque la liberté de pensée est acquise, et il ne peut pas y avoir progrès mental tant que sévit la foi aveugle. La liberté de la pensée conduit au progrès mental, alors que le dogmatisme mène à la stagnation, la rétrogression et à la dégénération mentale.

 

LE STATUT DE LA FEMME

 

Bouddha a élevé le statut des femmes, et les a amenées à la réalisation de leur importance dans la société. Elles se situaient auparavant sous des circonstances défavorables. Au sixième siècle avant Jésus-Christ, les femmes vivaient soumises à des restrictions sévères imposées par les Brahmanes, et leur place était réduite à la cuisine.
Pour la première fois dans l’histoire du monde, le Bienheureux a établi l’ordre des nonnes ; Les femmes ont reçu la possibilité de briser les entraves qui les liaient, dans l’Inde ancienne, et de conquérir la liberté. L’ordre des nonnes était bénéfique pour les femmes, celles-ci, de tous les rangs de la société : reines, princesses, veuves, servantes et même courtisanes s’y trouvaient dans la parfaite égalité, et y vivaient dans la paix et la consolation.
Une fois, le roi de kosala était triste du fait que son premier enfant né de son épouse la reine Mallika, était une fille. Le roi se considérait malchanceux à cause de cela. Mais Bouddha l’a condamné en ces termes ; « Ô Roi, une fille peut incarner une meilleure progéniture qu’un garçon. » Bouddha donc, a donné à la femme une place élevée, il y a 25 siècles, et la dette que les femmes doivent à Bouddha est très grande.

 

COMPASSION A L’ÉGARD DU MALADE

 

Un jour, alors que Bouddha marchait dans le temple, il a vu un Bhikkhu (moine) atteint d’une maladie incurable ; il souffrait d’une terrible maladie de la peau. Bouddha s’est mis à aider le moine malade, et à le servir de ses propres mains. Puis, à l’assemblée des moines, Bouddha expliquait l’importance de tout soutien et service envers un malade. Il a déclaré : « Qui sert un malade me sert. »

 

#26 - Co-production conditionnée – Paticca-Samuppada

 

La ‟co-production conditionnée” – Paṭicca-Samuppāda – est un enseignement de base du Dhamma du Bouddha (Bouddhisme). La doctrine décrite ici, étant si profonde, il n’est pas possible, vu l’étendue limitée de cet essai, de dresser un bilan complet du sujet. Basée seulement sur l’enseignement du Bouddha, une tentative d’élucider cette doctrine est faite ici, en mettant de côté les détails complexes qu’elle implique.
Les érudits et écrivains ont sous des formes variées retranscrit ce terme en anglais et en français. ‟La coproduction conditionnée”, ‟l’Émergence dépendante”, ‟la Genèse causale”, ‟la Genèse conditionnée” en sont quelques traductions possibles. Au travers de cet essai le terme ‟Genèse Interdépendante” est utilisé. La genèse interdépendante n’est pas un discours pour les êtres inintelligents et superficiels, et ce n’est pas non plus une doctrine devant être saisie par la spéculation intellectuelle et la simple logique d’orateurs en joute dont les cheveux se dressent. Écoutez ces paroles du Bouddha.

 

‟Profonde, en fait, Ananda, est ce Paṭicca-Samuppāda et profond aussi apparaît-il. C’est lié au fait de ne pas le comprendre, par le fait de ne pouvoir pénétrer cette doctrine, que tous ces êtres ont été empêtrés tels une balle ou un cordon emmêlés, devenant tels de l’herbe muñja et des joncs, incapables d’aller au-delà des états d’existence affligeants et du saṁsāra, le cycle de l’existence.”

 

Ceux qui faillent à comprendre la véritable signification de tout ceci, de cette doctrine si fondamentale, la prennent par erreur pour une loi de causalité mécanique, ou encore une simple ‟émergence” simultanée, que dis-je une cause originelle de toutes choses, animées et inanimées. Souvenez-vous qu’il n’existe point de cause première avec un grand ‟C” et un grand ‟P” dans la pensée bouddhique, et la (doctrine de la) Genèse interdépendante ne cherche pas à scruter ou investiguer une cause première. Le Bouddha déclara de manière emphatique que le commencement premier de l’existence est quelque chose d’inconcevable, et que de telles notions et spéculations d’un commencement originel pourraient conduire à un dérangement mental. Si quelqu’un postule une ‟cause première” alors on est dans notre droit de lui demander quelle est la cause antérieure à cette ‟Cause Première” car rien ne peut échapper à la loi de conditions et de causes qui est manifeste dans le monde pour tous excepté pour ceux qui ne le verront pas ainsi.

 

D’après Aldous Huxley, ceux qui commettent l’erreur de penser en termes de cause première sont voués à ne jamais devenir des hommes de science. Mais comme ils ne savent pas ce qu’est la science, ils ne sont pas conscients d’avoir perdu quelque chose. Attribuer une cause première aux phénomènes a cessé d’être à la mode, en tout cas en Occident… nous ne parviendrons jamais à changer notre âge de fer en âge d’or à moins que nous abandonnions notre ambition de trouver une cause unique à tous nos maux, et admettions l’existence de causes multiples agissant simultanément, de corrélations complexes et d’actions et réactions dupliquées encore et encore.

 

Un Créateur − Dieu, qui récompense les bonnes actions et punit les mauvaises actions des créatures de sa création, n’a pas sa place dans la pensée bouddhique. Un théiste, de toute façon, qui attribuent à un Dieu-Créateur omnipotent l’existence des êtres et des évènements, dira de façon emphatique, ‟c’est la volonté de Dieu; c’est un sacrilège de remettre en question la divine Autorité.” Cette idée de dieu réprime la liberté humaine d’investiguer, d’analyser, de scruter, de voir ce qui existe au-delà de l’œil nu, et retarde l’introspection.

 

Aux fins d’argumentations supposons que ‟X” est la ‟cause première”. Maintenant est-ce que notre hypothèse nous amène plus près de notre but, qui est notre délivrance ? Est-ce que plutôt cela ne nous ferme-t-il pas la porte à cette dernière ? Le Bouddhisme, d’un autre point de vue, déclare que les choses ne sont dues ni à une cause unique (eka-hetuka) ni dénuées de cause (ahetuka)les douze facteurs du Paṭicca-Samuppāda et les vingt-quatre relations générant un conditionnement (Paccaya) dont il est fait état dans le Paṭṭhāna, le septième et le dernier livre de l’Abhidhamma piṭaka, démontrent clairement comment les choses sont générées par des ‟causes multiples” (aneka-hetuka); et en déclarant que les choses ne sont ni dénuées de causes ni dues à une cause première, le Bouddhisme a antidaté la science moderne de vingt-cinq siècles.

 

Nous sommes témoins d’un règne de loi naturelle de causes à effets sans commencement et rien d’autre ne règne sur l’univers. Chaque effet devient à son tour une cause et cela continue ainsi indéfiniment (tant que l’ignorance et l’envie impérieuse sont autorisées à continuer). Une noix de coco, par exemple, est la cause principale d’un cocotier, et cet arbre est à nouveau la cause de nombreux cocotiers. ‟X” a deux parents, quatre grands parents, et ainsi la loi de cause à effet est mise en branle sans répit telles les vagues de la mer – ad infinitum.
Il est juste impossible de concevoir un commencement premier. Personne ne peut scruter l’origine ultime de quelque chose, pas même le grain de sable, et que dire des êtres humains. Il est inutile et dénué de sens d’errer à la recherche d’un commencement dans un passé sans commencement. La vie n’est pas une identité, c’est un devenir. C’est un flux de changements physiologiques et psychologiques.
‟Il n’existe pas du tout de raison de supposer que le monde a eu un commencement. L’idée que les choses doivent avoir un commencement est véritablement due à la pauvreté de notre imagination. Par conséquent, peut-être, je n’ai pas besoin de perdre du temps supplémentaire à développer un argument en faveur de la cause première.”

 

Au lieu d’une « Cause Première », le Bouddha parle de causalité. Le monde entier est assujetti à la loi de cause à effet, en d’autres termes, d’action et de résultat. Nous ne pouvons pas penser à quoi que ce soit, dans ce cosmos, qui soit sans cause et inconditionné.
Comme Viscount Samuel le dit : ‟Il n’existe point de chose telle que la chance. Chaque évènement est la conséquence des évènements précédents; chaque chose qui se produit est l’effet de la combinaison d’une multitude de causes antérieures; et des causes similaires produisent toujours des effets similaires. Les lois de la causalité et de l’uniformité de la Nature prévalent partout et toujours.”
Le Bouddhisme enseigne que toutes les formations conditionnées viennent à l’existence, existent présentement, et cessent (uppāda, ṭhiti et bhaṅga), dépendant de causes et de conditions. Comparez la vérité de ce dicton avec le verset tant cité de l’Arahant Thera Assaji, un des cinq premiers disciples du Bouddha, qui cristallisa l’intégralité de l’enseignement du Bouddha quand il répondit aux questions de Upatissa qui fut plus tard connu sous le nom de l’Arhat Thera Sāriputta.

 

Sa question était : ‟Quelle est la doctrine de votre maître ? Que proclame-t-il ?”
Et ceci fut la réponse :
‟Ye dhammā hetuppabhavā tesaṃ hetuṃ tathāgato āha,
Tesaṃ ca yo nirodho evaṃvādī mahāsamaṇo.”
‟Quelles que soient les choses, elles proviennent d’une cause,
Le Tathāgata a expliqué la cause de cela,
Leur cessation, aussi, il l’a expliquée.
Ceci est la doctrine du Sage Suprême”

 

Bien que brièvement, ceci exprime en des termes sans équivoque la genèse interdépendante, ou la Causalité.
Nos livres mentionnent que pendant la totalité de la première semaine, immédiatement après son illumination, le Bouddha s’assit au pied de l’arbre Bodhi à Gaya, expérimentant la béatitude suprême de l’Émancipation. Quand les sept jours furent passés il émergea de ce samādhi, cet état de pensée concentrée, et pendant la première partie de la nuit, explora par la pensée la genèse dépendante dans l’ordre direct, comme suit : ‟Quand ceci existe, cela vient à l’existence; avec l’apparition de ceci, cela apparaît, nommément. Dépendant de l’ignorance, les formations volitives; la conscience… et ainsi de suite… Ainsi est l’apparition de toute cette masse de souffrance.”

 

Puis dans la partie du milieu de la nuit, il médita sur la genèse interdépendante dans l’ordre inverse ainsi : ‟Quand ceci n’existe pas, cela ne vient pas à l’existence; avec la cessation de ceci, cela cesse, nommément; avec la cessation totale de l’ignorance, la cessation des formations volitives… et ainsi de suite… Ainsi est la cessation de cette masse totale de souffrance”. Dans la dernière partie de la nuit, il contempla la Genèse interdépendante que ce soit dans l’ordre direct ou bien dans l’ordre inverse ainsi; ‟Quand ceci existe, cela apparaît; avec l’émergence de ceci, cela émerge. Quand ceci n’existe pas, cela n’apparaît pas; par la cessation de ceci, cela cesse, nommément; dépendant de l’ignorance. Les formations volitives… et bientôt… Ainsi apparaît toute cette masse de souffrance. Mais par la cessation complète des formations volitives… et ainsi de suite… Ainsi prend fin toute cette masse de souffrance.”
Il apparaît justifiable de se poser la question suivante : pourquoi leTathāgata n’a-t-il pas exposé la doctrine de la ‟Genèse interdépendante” dans son premier discours, le sermon prononcé aux cinq ascètes, ses compagnons d’autrefois, à Sarnath, Bénarès ? La réponse est ainsi : Les points principaux discutés dans ce sermon capital sont les quatre Nobles Vérités : la souffrance, sa cause, sa cessation, et le sentier qui conduit à la cessation de la souffrance, le Noble Sentier Octuple. Il n’y a pas de mot dans ce sermon au sujet de la ‟Genèse Interdépendante”, mais celui qui comprend la signification philosophique et doctrinale de la Genèse Interdépendante comprendra certainement que le paṭicca-samuppāda, la ‟Genèse interdépendante” à douze liens, que ce soit dans son ordre direct(anuloma) ou bien dans l’ordre inverse (paṭiloma), est inclus dans les quatre Nobles Vérités.

 

Le Paṭicca-Samuppāda, dans son ordre direct, met en branle le processus du devenir (bhava), en d’autres termes, l’apparition de la souffrance (dukkha, la première Vérité); et comment ce processus de devenir ou de souffrance est conditionné (dukkha-samudaya, la deuxième Vérité). Dans son ordre inverse, le Paṭicca-Samuppāda rend la cessation du devenir complète (dukkha-nirodha, la troisième Vérité) et la cessation des conditions, ou la destruction de la souffrance (dukkha-nirodha-gāminī paṭipadā, la quatrième Vérité). La parole du Bouddha au sujet de ce fait apparaît dans l’Anguttara Nikāya comme suit :
‟Et, moines, quelle est la Noble Vérité de l’apparition de la Souffrance ?”
‟Dépendantes de l’ignorance apparaissent les formations volitives; Dépendantes des formations volitives apparaît la conscience; Dépendant de la conscience apparaît le nom et forme (les combinaisons des propriétés mentales et matérielles); dépendant du nom et forme apparaissent les six bases sensorielles (les cinq organes des sens matériels et la conscience en tant que sixième); dépendant des six bases sensorielles, apparaît le contact; dépendant du contact, apparaît la sensation; dépendant de la sensation apparaît l’envie impérieuse; dépendant de l’envie impérieuse apparaît l’adhérence; dépendant de l’adhérence apparaît le processus du devenir, dépendant du processus du devenir apparaît la naissance; dépendant de la naissance, la vieillesse… et la mort, la souffrance, les lamentations, la douleur, le chagrin et le désespoir se manifestent et défilent. Ainsi cette masse complète de souffrance apparaît-elle.”

 

‟Ceci, moines, est appelé la Noble Vérité de l’Apparition de la Souffrance.
Et moines, quelle est la Noble Vérité de la Cessation de la Souffrance ?
Par la cessation complète de l’ignorance cessent les formations volitives; par la cessation complète des formations volitives, la conscience… et ainsi de suite… la cessation de cette masse complète de souffrance. Ceci moines, est appelé la Cessation de la Souffrance.”
Il apparaît désormais clair de façon flagrante, d’après ce qui précède, que le Paṭicca-Samuppāda, avec ses douze facteurs, est l’enseignement du Tathāgata et non tel que certains ont tendance à penser, à savoir un travail sur le Dhamma mis en ligne à une époque tardive. Il est déraisonnable, voire dangereux, de sauter sur des conclusions sans comprendre pleinement la signification du Paṭicca-Samuppāda. 
 
La Genèse interdépendante, ou la doctrine de la causalité, est souvent expliquée par des termes pragmatiques très crus, mais ce n’est pas un enseignement seulement pragmatique, bien qu’il nous apparaisse ainsi, en raison d’explications auxquelles on aurait recours aux fins de concision. Ceux qui sont familiers avec le Tipiṭaka (le canon bouddhique) savent que dans les enseignements du Paṭicca-Samuppāda l’on trouve ce qui est source des principes de base de la connaissance (ñāṇa) et de la sagesse (paññā) dans le Saddhamma, la Bonne Loi. Dans cet enseignement sur la causalité de toutes choses dans l’univers, qui consiste en les cinq agrégats, nous pouvons réaliser l’essence de la vision sur la vie qu’avait développée le Bouddha. Donc si l’explication du monde élaborée par l’Eveillé doit être comprise correctement, elle doit l’être au travers d’une saisie complète de cet enseignement fondamental résumé dans le dicton, ‟Ye dhammā hetuppabhavā… ” auquel il est fait référence ci-dessus.

 

La doctrine du Paṭicca-Samuppāda, n’est pas l’œuvre de quelque pouvoir divin; ce n’est pas une création. Qu’un Bouddha apparaisse ou non le fait est que ‟ceci étant, cela devient; par l’apparition de ceci, cela apparaît; ceci n’étant pas, cela ne devient pas; par la cessation de ceci, cela cesse d’être” ‒ cette causalité se perpétue à jamais, sans interruption ni le contrôle d’un agent ou pouvoir externe de quelque sorte que ce soit. Le Bouddha a découvert cette vérité éternelle, résolu l’énigme de la vie, éclairci les mystères de l’être en comprenant, dans son intégralité, lePaṭicca-Samuppāda avec ses douze facteurs, et il l’a exposé, sans mettre de côté ce qui est essentiel, à ceux qui ont encore une intelligence suffisante pour espérer atteindre la Lumière.

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle

N°10